Jeux avec je

Photo de Stéphane Louis pour Poly

Avec Les Prisons mobiles, Jean Hansmaennel signe un objet littéraire non identifié : rencontre avec un aficionado du verbe autour d’un surprenant “thriller poétique”.

Amoureux des mots, Jean Hansmaennel mène des vies parallèles qui se croisent, s’entrecroisent et se nourrissent : vice-président de Kronenbourg le jour (dirigeant également la Fondation du célèbre brasseur), il est écrivain la nuit, avouant « écrire chaque soir avant de [s]’endormir, même quelques lignes. C’est un rituel. » On lui doit une centaine de chansons, que ce soit pour Cookie Dingler ou des groupes (dans lesquels il chante et / ou joue du piano, ce qui peut expliquer un réel sens du rythme) comme HSB, hier, ou Fred Hamster & les Scotcheurs, aujourd’hui. Après Une Goutte à la mer (2011), il publie Les Prisons mobiles, un “thriller poétique” où la forme est au service d’une histoire à suspense en trois parties, « celle d’un prisonnier narrant sa réclusion, son évasion et sa rédemption. Il est captif de lui-même, de ce qui le constitue, de ses propres cellules, de ses croyances essentiellement ». Écrit à la première personne du singulier, comme un journal intime, le texte, loin d’être un ego trip, nous entraîne dans les pas d’un taulard existentiel : « Je ? C’est le lecteur. C’est également l’auteur, bien sûr, mais ce n’est qu’une partie de moi puisque je m’appelle Jean et que Je est la moitié de Jean », explique-t-il dans un sourire.

Les mots sont les amis de Jean Hansmaennel : il joue avec eux, s’en joue, plaisante, entre paradoxes perpétuels et oxymores inoxydables comme le titre de son livre. Il déteste « la langue de bois, celle qui est tellement ouverte qu’elle est fermée et ne veut plus rien dire » et cherche la multiplicité des sensations sémantiques pour créer le sens, un procédé « qui passe parfois par le non-sens et l’absurde », nous entraînant dans un univers verbal où flottent des figures tutélaires comme Serge Gainsbourg. La forme est libre, libérée, déliée (si bien qu’on peut ouvrir le livre au hasard pour prendre un bonne rasade lexicale), les phrases s’agencent sur la page comme d’étonnants calligrammes dans les configurations les plus variées : alexandrins, assertions qu’on dirait écrites pour être slamées, haïkus post-modernes, exercices d’essence oulipienne, listes, puisqu’il s’avoue fasciné par « l’accumulation et les inventaires ». Pas étonnant que son prochain livre, auquel il s’atèle déjà, s’intitule (provisoirement) Le Collectionneur.

Les Prisons mobiles de Jean Hansmaennel est paru au Cherche-midi (17 €)

www.cherche-midi.com

 

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