Cuisinier voyageur, Jean-Yves Schillinger met le monde dans ses assiettes, sur lesquelles brillent deux Étoiles au Guide Michelin. Visite à Colmar, chez JY’S.
Sculpté dans le bronze par Bartholdi, Armand Joseph Bruat (1796-1855) trône, impavide, au centre d’un bassin où sont installées des allégories des parties du monde que l’amiral parcourut – Asie, Afrique, Océanie et Amérique. Passage presque obligé pour accéder au JY’S, installé au cœur du Champ-de-Mars depuis 2020, le monument annonce la couleur de la gastronomie de Jean-Yves Schillinger, irriguée par un flot vital venu de la terre entière, États-Unis et Asie en tête : « Je n’ai jamais été très terroir. La cuisine alsacienne ? D’autres la font mieux que moi », balance le maître des lieux, qui œuvra quelques années à New York, y ouvrant Destinée puis Olica, à la fin du siècle passé. Dans un cadre contemporain, on pourrait se croire à Big Apple, entre cuisine ouverte, œuvres signées Charles Fazzino – One World… The Circle of Life, vision pop en relief de la planète – ou Steve Chaudanson, dont un aérien requin flotte dans l’espace, rappelant curieusement l’icône de Damien Hirst. On se sent bien dans un espace feng shui où les plats associant les traditions avec grande délicatesse sont en harmonie avec le décor.
Si le homard breton cuit dans une cafetière Cona, classique de la maison – souvent copié, jamais égalé –, est régulièrement repensé, toute la carte, très fusion food, est à l’avenant : « Je déteste les cuisines sclérosées. Les plats tournent souvent », explique Jean-Yves Schillinger. Refusant la com’ et le storytelling, il envoie des assiettes qui parlent par elles-mêmes, à l’image d’un gravlax de daurade royale à l’aneth, composition architecturée dans une grande simplicité géométrique et gustative. Elle entre dans une autre dimension par la magie d’un trio explosif : le jaune vif d’une sauce kimizu, douce et vinaigrée, percute de plein fouet le vert profond d’une mayonnaise aux algues et la fraîche brillance d’une salsa verde. Un peu comme si le Japon rencontrait la Bretagne et le Mexique : en bouche, c’est de la dynamite ! Du coup, notre cœur fait boum, tout comme pour une autre création présentée sous une cloche de verre. Une fois soulevée, de délicates volutes se déploient autour de la table, ainsi qu’une puissante odeur de… cannabis. C’est bien la fleur de la plante qui a servi pour fumer un bar en écailles croustillantes laqué aux agrumes qui se dévoile, une fois le léger brouillard dissipé. Escorté d’une betterave glacée au Grand Marnier et de kumquats confits joliment acidulés, le digne poisson à la chair d’une incroyable tendreté fait trempette dans une sauce aux saveurs du monde. Du Bel Ouvrage, à l’image de la cuvée du Domaine Laureau ainsi nommée – 100% chenin blanc, une merveille venue d’Anjou – qui lui tient compagnie.
JY’S est situé 3 allée du Champ-de-Mars (Colmar). Fermé dimanche et lundi, ainsi que mardi au déjeuner. Menus de 89 à 250 €
> Dans le même esprit que JY’S, la table bistronomique Bord’eau est située 17 rue de la Poissonnerie. Formules de 51 à 74 €
