Je n’ai besoin de personne en Harley-Davidson
Le nouvel album de Frank Margerin est l’histoire d’un quinqua’ qui s’achète une Harley, réalisant un fantasme d’adolescence. Drôle, pertinent… et parfois cruel.
Aujourd’hui, Frank Margerin (né en 1952) est un cas à part dans la bande dessinée puisqu’il est le seul auteur à faire vieillir ses personnages avec lui : on avait déjà découvert Lucien et ses potes bedonnants et grisonnants ne rien comprendre à leurs gamins, purs produits de la Génération Y, alors qu’eux avaient été biberonnés aux Stones… Son nouvel héros Marc Carré (avatar à peine déguisé du scénariste Marc Cuadrado) a cinquante balais. L’âge de la première coloscopie – c’est ainsi que l’histoire débute – et de la réalisation de ses rêves d’adolescent puisqu’on a compris que La Vie est trop courte. Tel est le sous-titre de ce one shot découpé en plusieurs épisodes qui sont autant d’étapes dans l’existence d’un Harleymaniaque, de l’achat de pots d’échappements bruyants à la participation à une “concentre”, en passant par les rapports complexes entretenus avec une épouse plutôt consternée que concernée. Plus que dans les volumes précédents, Margerin retrouve une réelle causticité, mâtinée de compréhension amusée pour ce quinqua’ qui se la joue rebelle. Le trait n’a pas pris une ride, l’humour est souvent potache et le lecteur retrouve, dans quelques cases, la limpidité et la méchanceté d’un humour eighties qui faisait défaut dans les derniers opus. Avec cette image d’Épinal gentillette d’un homme installé dans la vie qui se la joue (re)born to be wild – alors que la date de péremption de la révolte est largement dépassée – le créateur de Lucien dresse un portrait plein de tendresse d’une génération, la sienne, qui tente désespérément de s’accrocher aux branches de sa jeunesse évanouie.