Intolérance

© Annemie Augustijns / Opéra Vlaanderen Anvers / Gand

Trop rarement donné, l’archétype du “grand opéra à la française” qu’est La Juive de Fromental Halévy est présenté a l’Opéra national du Rhin dans la mise en scène de Peter Konwitschny. Plongée dans un plaidoyer contre les extrémismes.

Le résumé du propos de La Juive est sans appel : « Il s’agit uniquement de révéler les mécanismes qu’utilisent les uns pour chercher à détruire les autres, tandis que ces derniers veulent à leur tour… S’y ajoute évidemment la manière dont on invente de nouvelles formes d’inhumanité », décrit le metteur en scène allemand Peter Konwitschny. Succès foudroyant en 1835, cet opéra (représenté plus de 500 fois à Paris durant les 50 ans qui suivirent sa création) empli de scènes spectaculaires ou d’airs pyrotechniques de Fromental Halévy connaît un regain d’intérêt ces dernières années après une très longue éclipse. La raison d’un tel revival tient notamment dans des personnages brûlants d’actualité incarnant le fanatisme religieux, qu’il soit juif avec Éléazar ou chrétien avec le Cardinal Brogni, même si la vision de Rachel vêtue d’une ceinture d’explosifs renvoie plus au totalitarisme islamique.

 

L’histoire ? C’est celle de Rachel, Chrétienne sauvée des flammes toute enfant et élevée par Éléazar qui lui cache ses origines. Elle tombe amoureuse d’un Juif qui n’en est pas un, mais un prince marié, et finira condamnée au bûcher par son (vrai) père devenu Cardinal. Vous suivez ? Entre luttes de pouvoir, conflits religieux et quête d’identité, l’intrigue de La Juive est complexe : brocardant tous les extrémismes, elle se déploie dans une mise en scène au dispositif simple – des tubes évoquant les barreaux des prisons mentales et de magistraux vitraux qu’on croirait sortis d’une cathédrale gothique – et au dramatisme renforcé par la présence massive et régulière des choriste dans la salle. Utilisation d’artefacts astucieux (des gants bleus pour les Chrétiens, jaunes pour les Juifs) et d’accessoires aussi incongrus qu’une baignoire ou scènes choc telle la fabrication de ceintures d’explosifs à la chaîne : la mise en scène de Peter Konwitschny tape juste, renvoyant le public du XXIe siècle à sa propre version de l’intolérance religieuse et à ses questionnements intérieurs.

À L’Opéra (Strasbourg), du 3 au 14 février

À La Filature (Mulhouse), vendredi 24 et dimanche 26 février

www.operanationaldurhin.eu

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