Ils sont sang : Nicola Raab monte Macbeth

Photo de répétition de Gilles Abegg / Opéra de Dijon

À Dijon, Nicola Raab monte Macbeth, version sombre et sanglante de l’opéra de Verdi, dont le propos s’avère éminemment contemporain.

Pour Nicola Raab (dont on avait beaucoup aimé la vision de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai, à l’Opéra national du Rhin, en 2017), Macbeth de Verdi est une œuvre d’une extrême densité. On peut en effet y trouver, « catalysées et concentrées, les forces du compositeur italien et du dramaturge britannique » dont la pièce éponyme fournit la matière aux librettistes Francesco Maria Piave et Andrea Maffei. Sur le plan musical, l’auteur de Falstaff et d’Otello confère des couleurs d’une intense noirceur à une histoire dont les grands traits sont bien connus : galvanisé par la prédiction des sorcières qui lui annoncent qu’il sera souverain et poussé par l’ambition dévorante de son épouse, Macbeth assassine le roi Duncan avant d’usurper son trône. La soif de pouvoir du couple dément l’entraîne ensuite dans une spirale infernale où le crime appelle le crime, où la violence génère la violence. Voilà une thématique qui va comme un gant à notre époque ainsi décrite par la metteuse en scène : « Des forces politiques engendrant la division, la guerre et les luttes de pouvoir, qui balayent d’un revers de la main la fine couche de bonnes manières, de civisme et de soi-disante civilisation qui nous sépare de la barbarie. Des mouvements et des développements qui se rapprochent chaque jour de ce sentiment de sécurité dans lequel nous nous berçons, une violence sourde que nous commençons à ressentir et percevoir tout autour de nous. » Elle a choisi d’installer l’action dans un univers scénique « neutre, contemporain mais atemporel. Il s’agit d’un possible futur, même si ce n’est pas futuriste. » Et de rajouter : « Je désire laisser un espace de liberté aux spectateurs. Fixer trop les choses – dans une époque, un groupe social, etc. – reviendrait à brider leur imagination. » Dans un espace contemporain où trône notamment une immense table blanche design et glacée, se déploient des « instants archaïques », réminiscences antiques étonnantes, installant un aller-retour d’une grande finesse entre les époques. « Les lignes claires et nettes du décor et de la scénographie permettent de faire le lien entre cette histoire médiévale et notre réalité quotidienne, notre environnement actuel », explique Nicola Raab. Et de nous emporter dans le tourbillon mortifère de ce couple fusionnel (incarné par un prometteur duo formé par Stephen Gaertner et Alexandra Zabala), entre explosions sanglantes, jaillissements surnaturels et folie humaine, tellement humaine.


À l’Opéra de Dijon, du 2 au 9 novembre
opera-dijon.fr

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