Horreur glacée
Expériences scientifiques atroces et essais nucléaires soviétiques : tel est le cadre de Station 16, un thriller gelé signé Hermann père et fils.
Après plusieurs opus passionnants (Liens de Sang, Manhattan Beach 1957 ou encore The Girl from Ipanema), le duo formé par Hermann père et fils est de retour, le premier étant l’auteur des dessins, le second – sous le pseudonyme d’Yves H. – du scénario. Pour cette Station 16, le lecteur, même le plus blasé, en prendra plein les ratiches. Le pitch ? Il fait référence à un épisode particulièrement mystérieux de l’histoire du XXe siècle. En 1955, l’Union soviétique décida d’installer une base secrète en Nouvelle-Zemble, archipel perdu à l’extrême Nord de son territoire. C’est dans cette zone désertique que seront menés les plus puissants essais nucléaires dans l’atmosphère de tous les temps : le 30 octobre 1961 explose ainsi la Tsar bomba, 1 400 fois plus puissante que les deux projectiles réunis lâchés sur Hiroshima et Nagasaki ! Jusqu’en 1995 plus de 200 essais officiels ont été menés… En réalité, il y en aurait eu bien plus. Ville secrète et épicentre du système, Severny est désormais abandonnée.
À partir de ces éléments, l’imagination d’Yves H est partie en live : il a mis sur pied une histoire où l’horreur est partout prenant la forme d’un jeu (cruel) de saute-mouton temporel entre hier et aujourd’hui avec explosions nucléaires et laboratoire expérimental peuplé de toubibs cinglés version Doktor Mengele, en option. Tout cela commence normalement avec une patrouille qui débarque sur une base désaffectée. Ensuite ? Un mécanisme d’une perverse précision se met en branle servi par un Hermann au sommet de son art graphique. Jamais sans doute un univers en ruines n’aura été aussi bien rendu en BD. Il prend visiblement un plaisir intense à dessiner des mondes en déréliction. Est-ce du reste un hasard si le héros de l’affaire ressemble comme deux gouttes d’eau à Jeremiah ?