Home sweet home
Quelques années après avoir affolé le monde du design avec ses valises piégées, la Strasbourgeoise Sonia Verguet décline le rassurant motif de la maison sur des sacs en tissus, des nappes ou même en gâteaux.
Par un astucieux jeu de volumes, en 2004, Sonia Verguet laisse apparaître, sur des bagages, des formes de pistolets, de haches ou de couteaux (en fait, des jouets) comme si on avait tenté de planquer des armes dans ses affaires pour passer la douane. Grinçant coup de coude au “tout sécuritaire”… qui n’a pas été du goût de tout le monde. Vendues sur de nombreux sites internet et fréquemment montrées dans la presse internationale, les valises font scandale. Il lui fallut alors expliquer – même sur la BBC – sa démarche qui était de « susciter le débat », sûrement pas de faire l’apologie des poseurs de bombes. Après cet attentat artistique, cette diplômée de l’École nationale supérieure d’art de Dijon et de l’Ésad à Strasbourg fait deux ans de stylisme et lance, en duo, la marque de prêt-à-porter féminin Soal Atelier. Cet épisode textile achevé, elle conçoit des luminaires à partir de matériel récupéré… qui tapent dans l’œil de la Kunsthalle. Le centre d’art contemporain mulhousien lui commande alors une vingtaine de sièges cubiques (donc empilables) pour son espace. L’idée de celle qui enseigne aujourd’hui le design à l’Université de Strasbourg ? Recycler des grandes figures en prenant des piétements ou des accoudoirs de chaises célèbres (la rocking chair d’Eames…) afin d’y greffer un caisson en bois massif. Pour des raisons de coût, les hybridations s’effectueront sur des assises moins onéreuses (le tabouret Tam Tam…).
On retrouve le cube, « forme archétypale, géométrique et simple », dans une proposition faite en 2010 aux Journées de l’architecture (à la galerie Artforum d’Offenburg), événement pour lequel la créatrice réalisa des maisonnettes apéritives avec l’aide du cuisinier Olivier Meyer qui élabore les recettes : mojitos en gelée, gâteaux à la patate douce et au rhum… L’occasion pour l’ex-fan de Sophie Calle (qui fit ses fameux repas chromatiques…) de plancher sur le rapport archi / pâtisserie. « Dans un lotissement, les habitations sont identiques et alignées comme des éclairs dans la vitrine des boulangeries. » Les briques d’un bâtiment, jointes par du ciment, lui évoquent les composants d’une pièce montée, liés par de la crème ou du caramel. Elle réalise alors des maquettes pâtissières montrant ce parallèle et, surtout, invente un moule “petites maisons” en silicone, prochainement édité par Konstantin Slawinski. En cela, elle se rapproche de la designeuse néerlandaise Hella Jongerius, un de ses modèles, qui fait cohabiter travail artisanal et réalisation industrielle.
Sonia réitère l’expérience de design culinaire lors de l’exposition Copie-Right du Musée des moulages à Lyon où elle fait 300 maisons à croquer. « Une véritable ville » multicolore rappelant le point de départ de la démarche de cette Bourguignonne qui a grandi aux Philippines : la découverte des maisons alsaciennes qui lui évoquèrent les anniversaires de son enfance où l’on servait « d’énormes gâteaux américains avec des glaçages hyper colorés et kitsch ». Dévorer son environnement… Lors d’une performance chez Margaretha Murr, la jeune femme rend réalisable le fantasme de tous les gamins ayant lu le conte Hansel & Gretel en invitant le public à “manger le carrelage”, des galettes de blé nappées de hoummous et de roquefort rappelant les carreaux à cabochons de la galerie strasbourgeoise…
Actuellement, Sonia développe « de manière plus aboutie » une des autres pièces de design gustative réalisées pour les JA, sa “maison à colombages” Mikado (de longs biscuits trempés dans le chocolat formant une demeure) qui a séduit la Grande épicerie du Bon Marché parisien qui concoctera et vendra sa création. « J’aime fouiller le plus possible, pousser très loin mes recherches, mais je pense que je vais passer à autre chose » note Sonia Verguet, aujourd’hui rassasiée.
Le duo Sonia Verguet / Olivier Meyer propose ses services pour des événements artistiques (à Stimultania, lors de la clôture de l’exposition Images d’Algérie de Pierre Bourdieu) ou des entreprises privées –