Histoires d’avant l’Histoire
Le Fils des âges farouches est de retour : après quelques années de silence, Rahan revient avec un album possédant la saveur d’une Madeleine de Proust.
Rahan, un des rares héros préhistoriques de la BD, était venu au monde dans le premier numéro de Pif Gadget, en 1969 : ses créateurs se nomment Roger Lecureux (scénario) et André Chéret (dessins) dont le trait est aujourd’hui encore d’une belle vivacité. Après la disparition du premier en 1999, son fils Jean-François avait repris le flambeau pour une salve d’albums. Reste qu’on était sans nouvelles de Cheveux de feu depuis quelques années… Le revoilà, toujours aussi fringant, collier à cinq dents (qui fut offert aux lecteurs de Pif Gadget dans le numéro 381 de juin 1976) autour du cou, dans un scénario cosigné par le très prolifique Jean-Luc Sala (à qui l’on doit notamment les récentes et palpitantes Divisions de Fer). Dans ces Fantômes du Mont-Bleu le lecteur retrouve les fondamentaux de la saga : la volonté du héros errant de découvrir le vaste monde et la diversité de “Ceux qui marchent debout”. Philosophe des cavernes à la vision humaniste, Rahan a toujours véhiculé un message de tolérance au fil de ses pérégrinations… Bien sûr, tout cela est un peu naïf, mais a néanmoins contribué à l’édification de générations de lecteurs, autant (plus ?) attirés par des scènes d’action bien troussées que par l’arrière-plan didactique de la série. Ahh les combats contre les goraks (tigres à dents de sabre) et le bruit inquiétant du battement d’ailes d’un ptérodactyle (oiseau poignard). Muscles bandés – qui en font une sorte de Conan à la française – et esprit toujours en éveil : tel est le fils de Craô qui part ici sur les traces de ses origines, retrouvant les lieux de son enfance, où flottent les fantômes de sa tribu décimée par une explosion volcanique. Mais qui est ce sorcier – sorte de double sombre de Rahan – qui a détourné toutes ses inventions (parachute, aqueduc…) pour dominer ses semblables ? Quel minerai extrait-on du volcan. Pourquoi les eaux de la rivière sont-elles polluées ? Cette nouvelle aventure a la semblance d’un grand patchwork qu’on lit, à plus de quarante ans, avec le bonheur de la nostalgie… en espérant que de plus jeunes y trouveront ce qu’on avait aimé à leur âge.