Heaven’s gates

Dan Rawlings, Joyride, 2019

La 5e édition de l’UrbanArt Biennale organisée dans la Völklinger Hütte fait se rencontrer street art et patrimoine industriel.

Avec ses six hauts-fourneaux reliés par la plateforme du gueulard à 45 mètres du sol, la monumentale et plus que centenaire aciérie sarroise fascine. Plus de 600 000 m2 de béton brut et de tuyauteries inscrits sur la liste du Patrimoine culturel mondial de l’Unesco, preuve du génie et de la déraison de l’homme. Dans ces murs travaillaient quelques 17 000 ouvriers allemands, mais aussi français du bassin lorrain voisin, avant sa fermeture en 1986. L’ancienne salle de mélange, véritable ventre du lieu où étaient stockées et convoyées les matières premières, sert aujourd’hui de salle d’exposition pour artistes de renommée internationale et jeunes pousses du street art. Le chinois Liu Bolin* se dissimule dans une photo nocturne de la Völklinger Hütte, le corps peint, Shepard Fairey aka Obey y exhibe des portraits de femmes militantes, Cope2 et JonOne leur art du lettrage dégoulinant, Dran nous rappelle que « Life is short » avec un petit garçon contemplant la dépouille d’un rat dont il ne semble pas être innocent au dernier soupir.

Mambo, Edmond se détend, 2019

Près de 100 artistes sont présentés, couvrant quasiment l’ensemble de la diversité du spectre et des médiums du genre. Affichisme avec l’italien BR1 qui détourne l’imagerie pop publicitaire dans Ohne Titel avec des personnages d’habitude invisibilisés (une mère voilée tenant dans ses bras son enfant), mosaïque en pixels de DXTR, pochoir d’un ouvrier fumant la pipe signé Pøbel, univers fantastique à la Escher de Cone The Weird ou peinture sur toile brodée à la main de YAZE. Mais le clou du spectacle reste encore à découvrir. Pour cela il faut traverser l’ensemble du complexe sidérurgique jusqu’au “Paradis”, suivant les portraits XXL d’employés actuels placés avec humour dans des endroits insolites (escalier, eau, silos) par Mentalgassi. L’ancienne cokerie était l’environnement de travail le plus éprouvant, un véritable enfer entre chaleur, poussière et feu où la houille était transformée et enrichie.

Levalet, Plan social, 2019

La nature y a totalement repris ses droits et l’on y croise, habilement disséminés ici ou là, des œuvres d’éditions précédentes de la biennale signées Monsieur Chat, Vhils (un portrait sculpté au burin dans un mur), des ouvriers sans visage de Levalet alignés dos au mur (Plan social) ou encore les calli- graffitis de Tarek Benaoum. Cette année YZ peint des corps de femmes nus de profils, leur douceur apparente tranchant avec les murs de béton armé. Symbole de la force de la nature, Dan Rawlings a découpé un motif floral dans la carrosserie d’une voiture garée en pleine prairie (Joyride) tandis que le chilien Mambo a découpé une cheminée en brique dont il a peint l’intérieur de motifs entrelacés du plus bel effet, s’élevant jusqu’au ciel bleu. Edmond se détend est une invitation à la rêverie dans un lieu qui devait en être pour le moins dé- pourvu. Enfin le duo MonkeyBird célèbre Le Soulèvement populaire avec un collage d’une façade entière, hommage à Spartacus, le premier esclave à s’être rebellé.

MonkeyBird, Le Soulèvement populaire, 2019

À la Völklinger Hütte (Völklingen), jusqu’au 3 novembre

voelklinger-huette.org

* Lire Le Caméléon qui fait non dans Poly n°151 ou sur poly.fr

vous pourriez aussi aimer