Geste signature

Photos d’Agnès Mellon

Depuis 1984, Georges Appaix crée les spectacles de La Liseuse, après avoir dansé pour son aînée Odile Duboc. Il clôt ce parcours entre mots et gestes avec XYZ ou comment parvenir à ses fins.

Un A tombant des cintres. Ainsi débute le délicieux abécédaire amoureux de l’art chorégraphique imaginé par
Georges Appaix. Guidé par ses soins et une bande d’interprètes – parmi lesquels vous remarquerez Carlotta Sagna –, nous cheminons de l’Affabulation au Dialogue, de la Réminiscence à l’Obstination, mais toujours à l’Unisson. Une manière toute personnelle de déambuler dans son répertoire, dont des fragments d’images sont projetés sur des rideaux de fils, comme de pénétrer dans la fabrique et la grammaire de celui qui n’eut de cesse de privilégier la langue comme impulsion rythmique. Les lettres s’empilent sur des armatures d’acier de chantier quand elles ne brillent pas dans l’espace. L’Espace avec un E sonnant comme “eux”. À moins que ce ne soit le E d’Écriture, cette signature inimitable. Mais au fait, l’improvisation en est-elle ? La défense de Fictions non linéaires se déploie avec surprises et sans train-train, entre fausses-pistes et digressions dans une danse aérienne, légère, pleine d’élans. Les idées fusent dans une connivence entretenue avec le public. La générosité de l’ensemble donne de quoi s’accrocher aux mouvements, répétés via divers points de vue pour mieux en apprécier la polysémie de perspectives.

Dans un jeu de l’esprit incroyablement fluide, tout s’enchaîne avec malice. Bach, Musique, Mouvement… la lettre M sonnant comme Aime, qui débute lui-même par un A. Sous la déferlante, se dévoilent l’alpha et l’oméga des premiers pas de la danse pour sortir de soi et du quant-à-soi. Ici on s’amuse, avec sa bouche, son corps et tout ce qui nous inspire. Facétieux, Bach devient « bien, beau, barfait ! » Une de ses fugues se mêle à Creedence Clearwater Revival, lignes suaves et fluides de traversées de la scène enchaînant sur une danse de postures se figeant dans une énergie rock. Toute une époque est convoquée, Initials BB, Béla Bartók, Bertolt Brecht, Brigitte Bardot. Le spectateur guette les clins d’œil, se délecte de l’écoute entre duos où se déploient en échos les intentions des uns en l’autre. La plongée dans la composition et ses contrepoints se fait au Rythme de l’Humeur, sur fond de claps des mains et piétinements au sol, avec cette manière “appaixienne” de mener les ensembles collectifs en gardant une manière à soi de bouger et d’habiter mouvements et espace. Les entrelacs successifs de la pensée et des idées s’entrechoquent et circulent ainsi de manière visible. Saut dans le Temps, modification de l’Espace avec piano syncopé d’Herbie Hancock, inspirations de nuits enfumées de Coltrane ou Gainsbourg cueillies par le Bésame Mucho de Consuelo Velázquez. La danse devient une respiration divine, rythmée par une suspension du mou- vement. Comme une hésitation, subrepticement, des fois qu’une force céleste nous pousse vers un ailleurs, avant qu’elle ne s’écoule de nouveau comme le souffle chaud venant de l’intérieur.


À Pôle Sud (Strasbourg), mardi 24 et mercredi 25 novembre
pole-sud.fr

Rencontre avec Georges Appaix, mercredi 25 novembre à 12h30, à l’Université de Strasbourg, bâtiment l’Escarpe (amphi 29)

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