Georges Bischoff et Hervé Lévy racontent Le Vin de Strasbourg

Photos de Stéphane Louis

Entre hier, aujourd’hui et demain, Le Vin de Strasbourg questionne le terroir, sous l’impulsion de l’historien Georges Bischoff et de notre rédacteur en chef, Hervé Lévy

Historien spécialiste de la Guerre des Paysans, Georges Bischoff aime faire des pas de côté explorant, par exemple, la période allant de 1470 à 1620, âge d’or de la gastronomie régionale, avec Dans le ventre de l’Alsace (La Nuée Bleue, 2020). Cette fois, il s’attaque au pinard : dans un style allègre, notre homme montre la place du pif dans la construction de la richesse de Strasbourg, considérée comme la « capitale historique du vin d’Alsace », mais aussi comme une « république bachique ». Passionnant et mordant, son essai nous brinqueballe de la Révolution – avec le sac de la mairie dans la cave de laquelle dormaient, selon ses calculs, plus de 212 000 litres, répandus par des furieux dans une sacrée « vinondation » – au hub que fut l’Ancienne Douane, véritable plaque tournante d’un commerce dont il nous présente les acteurs. Parmi eux, la corporation des Weinsticher, essentielle dans le négoce, est décrite avec verve… Faisant le lien entre passé et présent, une errance urbaine est proposée par Hervé Lévy et le photographe Stéphane Louis sur les traces de cette épopée, de l’épitaphe de Sébastien Brant en l’Église Saint-Thomas aux winstubs ancestrales… 

Dans une troisième partie, notre rédacteur en chef part à la rencontre des descendants symboliques des Weinsticher, aujourd’hui regroupés au sein de la Tribu des Gourmets : faisant voler les codes en éclats pour explorer de nouvelles voies (qui sont applicables à toute la région), sortant des sentiers battus et chahutant les traditions, Arthur Bohn, Philippe Brand, Christophe Lindenlaub, Lydie Backert, Boris et Florence Kachelhoffer et tant d’autres sont l’avenir du vignoble. Refusant de réciter benoîtement le catéchisme des sept cépages, ils mettent en avant les notions de terroir, explorent les vertus de la biodynamie ou de l’agroforesterie, font des vins nature, produisent des quilles issues d’assemblages… L’auteur lance des pistes de réflexion pour les crus de demain, qui seront issus de vignes soumises au changement climatique. Et de conclure : « L’Alsace est une région en pleine crise d’adolescence où de profondes mutations sont en cours. » Cette métamorphose, c’est sans doute Yann Molla Weber (L’Ambre blanc, Lutzelhouse) qui la résume le mieux : « Ceux qui font du conventionnel vont devoir bouger et ceux qui ne voudront pas bouger vont s’effondrer : la consommation baisse. Si tu veux continuer à vivre de ta passion, il faut composer quelque chose de bon et de différent. Ce n’est pas en restant assis le cul sur le tracteur qu’on bouge. » 

Paru à La Nuée Bleue (25 €) 
nueebleue.com 

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