Fruits de la passion
Pour sa 35e édition, le festival Musica présente 93 œuvres de 64 compositeurs, dont 22 créations mondiales. Cette intense diversité est parcourue par le fil rouge de la Passion.
Miroir d’une création contemporaine protéiforme, réflexion sur ses liens avec le passé avec, par exemple, une rencontre au sommet autour d’un duo violon / violoncelle entre Philippe Hurel et Maurice Ravel (01/10, Salle de la Bourse) et créativité débridée (comme pour Moi Singe) : Musica surprend toujours et permet de retrouver des compositeurs aimés comme la toujours très sauvage Olga Neuwirth (30/09, Le Point d’Eau, Ostwald). L’Autrichienne propose de méditatifs paysages sonores perdus quelque part entre la lagune de Venise et les Galápagos. Si le festival n’a pas de thématique à proprement parler, il est cette année irrigué par la Passion avec l’événement que constitue l’oratorio de Michaël Levinas La Passion selon Marc, Une passion après Auschwitz (21/09, PMC) qui interroge les contours possible d’une forme musicale après la Shoah : les langues se mêlent (araméen, hébreu, français médiéval, allemand) pour une vertigineuse interrogation. Un concert à relier avec la projection de la mise en espace intensément doloriste réalisée par Romeo Castellucci de La Passion selon Saint-Matthieu de Bach (01/10, UGC Ciné Cité). Autre évidente correspondance, La Passion selon Marie de Zad Moultaka (29/09, Temple Neuf) invite à observer les derniers instants du Christ à travers les yeux de sa mère. S’entrecroisent textes traduits en syriaque – une langue dont le compositeur aime les « accents tantôt rauques, tantôt chantants » –, extraits des Évangiles (apocryphes ou non), haïkus et emprunts à Rilke ou Céline.
L’Évangile selon Musica se poursuit par un mystère de chambre avec tableaux vivants qui avait fait scandale dans les années 1960, La Passion selon Sade de Sylvano Bussotti (23/09, Cité de la Musique et de la Danse) revivifié par la mise en scène d’Antoine Gindt. Le public est invité à se glisser dans un huis clos où le divin marquis, incarné par le comédien Éric Houzelot, se retrouve face à une femme, la géniale soprano Raquel Camarinha – découverte ici même en 2015 dans Giordano Bruno de Francesco Filidei – interprétant le rôle de Juliette / Justine. Dans un espace situé entre le boudoir et le cabinet du psychanalyste, nous sommes conviés au cœur d’un excitant tourbillon, entre vives douleurs et puissantes extases.
> Cette saison L’Arsenal de Metz est partenaire de Musica coproduisant trois spectacles du festival du 5 au 7 octobre, dont l’excellente création de l’Orchestre d’hommes-orchestres rendant hommage à Tom Waits (06/10) – arsenal-metz.fr > La Passion selon Sade est également donnée à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet (Paris), du 23 au 26 novembre – athenee-theatre.com