From Scratch, petit bain de noirceur de Thomas Ott à Bâle

Thomas Ott, Funky Punky, Clown-Serie (1-5), inédit unveröffentlicht, 2019, collection privée, Suisse, Privatsammlung, Schweiz

À Bâle, l’oeuvre de Thomas Ott se déploie avec From Scratch : plongée dans les univers sombres et mutiques du maître de la carte à gratter. 

Passé par Strapazin, magazine culte de la BD underground helvète, Thomas Ott (né en 1966) – qui publie, en 1985, dans le deuxième numéro, des planches saisissant un certain esprit, froid et mortifère, des eighties – découvre très tôt une technique qui deviendra sa marque de fabrique. Grattant au cutter dans une couche noire pour révéler l’image, il dessine en quelque sorte en blanc sur un fond sombre. Voilà procédé minutieux, dont le rendu évoque la gravure, ne laissant guère de place au repentir, qu’il met au service de compositions et d’histoires, sur lesquelles plane l’ombre de la mort. Dès son premier opus, Tales of Error (Édition moderne, 1989), les fondamentaux sont posés : en témoigne un oppressant portrait de Skinhead qui vous poursuivra longtemps, tant il est réellement menaçant… Si l’on pense bien évidemment aux publications d’EC Comics – Shock SuspenStories ou Tales from the Crypt, références assumées –, le monde de l’artiste suisse, qui joue souvent avec horreur et humour, tragédie et comédie, n’est pas du ressort de l’entertainement, mais en constitue assurément l’antithèse. Ainsi, son carnet de voyage Route 66 (Louis Vuitton Travel Book, 2018) est-il un road-movie au coeur d’une Amérique provinciale qui se rapproche de celle des Frères Coen, où les diners glauques voisinent avec les motels fantômes et les bicoques branlantes dans la cartographie métaphysique d’un rêve agonisant.


Fasciné par le corps, l’artiste – qui collectionne vieux ouvrages de médecine, gravures de freaks, etc., rassemblés dans sa “chambre ottologique” – restitue la beauté cachée des laids. Son cutter se fait scalpel dans des portraits qui tiennent autant des écorchés qu’ils rappellent certaines compositions surréalistes. Dans des histoires sans paroles possédant l’élégance et la profondeur des oeuvres de Frans Masereel, une narration cinématographique – ce n’est pas un hasard s’il réalise aussi des films d’animation, comme Lucky Man – emporte bien souvent le lecteur dans les méandres de Hellville, cité infernale qui tient du cauchemar kafkaïen… comme tout son univers. Pensons au génial roman graphique 73304-23-4153-6-96-8 (L’Association, 2008) ou à une installation comme La Grande Famiglia, décrivant un clan mafieux miteux. Dans un de ses récents projets, Thomas Ott quitte néanmoins les rives du sarcasme pour celles de la poésie pure : avec La Forêt (Éditions Martin de Halleux, 2020), il livre ainsi un conte sur le deuil pétri de mystère et de délicatesse. 


Au Cartoonmuseum Basel – Centre pour l’Art narratif (Bâle) jusqu’au 22 juin

> Visite en français 27/04 (14h) 

 

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