Free Georges Enesco
Quand la fine fleur du jazz contemporain new-yorkais croise le compositeur classique Georges Enesco et la musique folklorique de l’Est, on obtient Enesco Re-Imagined du pianiste Lucian Ban. Un des moments emblématiques de la 27e édition de Jazzdor.
En 1996, le pianiste Uri Caine, accompagné d’un aréopage d’improvisateurs de haut vol, proposait un concept radical basé sur certains airs de Gustav Mahler, Primal Light. Non pas que le jazz se soit auparavant toujours tenu à l’écart du classique ; il suffit de penser à Gershwin. Mais une dimension nouvelle était donnée, puisque les échos de musiques klezmer conféraient à l’ensemble une tonalité inédite. Un tel terrain, aussi récemment défriché, a donné des idées à de jeunes artistes, désormais parfaitement à l’aise dans des projets transversaux. C’est le cas du pianiste roumain Lucian Ban, héraut du jazz downtown, prenant certaines pièces orchestrales magnifiquement écrites par son compatriote de la première moitié du XXe siècle, Georges Enesco, et les réarrangeant pour octet de jazz avec le bassiste John Hebert.
Pour Enesco Re-Imagined, il s’est également entouré de quelques-uns des plus brillants improvisateurs comme le trompettiste Ralph Alessi, l’altiste radical Mat Maneri, Albrecht Maurer au violon ou encore Gerald Cleaver à la batterie. Subtil ajout à cet octet, le percussionniste Badal Roy – œuvrant notamment aux tablas – est ici comme une réminiscence world du Miles Davis des années 1970 en période hippie et donne à l’ensemble une sonorité gitane et folklorique roumaine tout à fait curieuse. La superposition de classique, d’improvisation et de folklore, loin d’une fusion mal digérée, démontre l’étonnante plasticité des œuvres d’un compositeur visionnaire, influencé aussi bien par Strauss, Ravel et Debussy que par la musique orientale et les airs populaires de son pays. Lucian Bran et John Herbert laissent libre cours aux musiciens qui s’ébrouent et prennent leurs aises free dans des compositions pourtant taillées pour des orchestres plus vastes et avec une écriture rigoureuse. Relecture heureuse d’une œuvre majeure, Enesco Re-Imagined est un spectacle inédit en France, emblématique de l’esprit pionnier du festival Jazzdor, qui démontre dans sa nouvelle édition la vitalité extraordinaire du jazz, sans cesse réinventé.
03 88 36 30 48 – www.jazzdor.com
« Cette musique est toujours en marche », insiste Philippe Ochem, directeur de ce festival d’envergure et de réputation internationale qui jette un regard sur le jazz d’aujourd’hui, un genre qu’il est impossible d’enfermer dans une case. À noter, cette année, parmi les 32 concerts, le dixième anniversaire de Jazzpassage, dispositif qui, en association avec le Kulturbüro de la Ville d’Offenburg, propose quatre soirées franco-allemandes, ou encore le concert du MegaOctet d’Andy Emler et des Percussions de Strasbourg à l’occasion de leur cinquantième anniversaire.
À Strasbourg (et sa région), du 8 au 23 novembre
03 88 36 30 48 – www.jazzdor.com