François mon amour
Le travail protéiforme d’André François, illustrateur auteur de l’affiche du sulfureux Max mon amour, est exposé au Musée Tomi Ungerer qui souligne sa Liberté du trait.
Les plumes et le plomb. La légèreté du rêve et la lourdeur du réel. L’onirisme d’un paon recouvert d’yeux (1979) et l’acidité des Critiques d’art (1954), similaire au coup de crayon acerbe de Tomi Ungerer période The Party. André Farkas, surnommé André François (1915-2005), est un artiste capable de s’enfermer dans son univers intérieur pour y puiser l’inspiration, comme d’observer le monde avec acuité pour décrier ses travers. Pour lui, tout est déclencheur potentiel de dessins de presse ou d’humour, d’affiches (il fut l’élève de Cassandre, créateur de la réclame Dubo Dubon Dubonnet) ou d’illus pour enfants, réalisant un ouvrage avec Prévert, Lettre des Îles Baladar. Ce génie touche-à-tout rappelle celui de son ami Tomi, un des seuls illustrateurs français – avec Sempé – ayant connu un grand succès international. Faire une cinquantaine de couv’ du New Yorker n’est pas un luxe donné à tout le monde…
Le musée strasbourgeois possède le plus important fonds d’œuvres de François dont l’atelier a fini en cendres fin 2002 : l’expo regroupe donc des pièces précieuses, un travail irrigué par deux thématiques – la métamorphose et le temps & la mort – donnant lieu à deux fascinants focus. Devant l’affiche du film de Nagisa Oshima, le magistralement scandaleux Max mon Amour, montrant un cœur simiesque illustrant la love affair entre une femme et un chimpanzé, Thérèse Willer, conservatrice en chef de l’institution, évoque un « trait précis et une imagination qu’André François laisse courir. Nous ne sommes jamais “enfermés” dans un dessin de cet artiste : la perspective et la ligne de fuite sont très présentes dans ses compositions, toujours ouvertes. D’origine roumaine, il représente parfaitement “l’esprit Mitteleuropa”, comme Saul Steinberg, avec son imaginaire débridé et son impertinence. » Couvertures au style naïf, parfois enfantin, pour Vogue ou le New Yorker, portait géométrique du Corbusier, illustrations mordante pour La Tribune des Nations ou Punch, amusants dessins à l’encre de Chine pour des ouvrages d’humour, combats d’Indiens pour la revue Graphis évoquant Klee, Kandinsky ou Miró… il est libre, André.
> Le musée fête ses dix ans avec deux autres expositions : André François / Tomi Ungerer. La liberté du trait (jusqu’au 11 mars), Les Shadoks ont 50 ans. Une révolution animée (du 15 mars au 8 juillet) et Expected the unexpected. Tomi Ungerer affichiste (du 13 juillet au 31 octobre)