Fin XIXe, début XXe

Marc Albrecht © Marco Borggreve

Au Palais de la musique et des congrès, puis à la Salle Pleyel, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg proposera une version très attendue des Gurrelieder de Schönberg. Avec ces deux concerts, Marc Albrecht achève en apothéose son mandat de directeur musical.

Monument de la musique du XXe siècle, les Gurrelieder sont rarement donnés en raison de l’effectif orchestral imposant que l’œuvre requiert : huit flûtes, cinq hautbois, sept clarinettes, cinq bassons, dix cors, quatre harpes etc. Presque deux phalanges de belle taille en somme, auxquelles il faut ajouter des chœurs en nombre. De quoi faire exploser bien des budgets ! À Strasbourg, on en avait néanmoins entendu une belle version au cours de l’édition 2006 du festival Musica avec le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden / Freiburg placé sous l’experte baguette de Michael Gielen.

Plonger dans ces « flots sonores » Pour Marc Albrecht, directeur musical de l’OPS en partance pour d’autres cieux (voir encadré), il était important de « parachever le travail mené avec les musiciens de l’Orchestre autour de la Deuxième École de Vienne, un répertoire que nous avons largement exploré, notamment avec notre Cycle Berg. Ce sont des œuvres qui me tiennent à cœur et je souhaite que les spectateurs s’en souviennent » explique-t-il. Fasciné par une œuvre qui relève « plus du genre “opéra” que du cycle de lieder », le chef allemand nous plongera dans une partition dont Webern résuma parfaitement l’essence en affirmant : « La sensation de ces flots sonores m’exalte à mourir. » Immense vaisseau symphonique et vocal, les Gurrelieder nécessitèrent une longue gestation : Schönberg commença en effet à y travailler en 1900, mais s’arrêta sept années pour reprendre le fil de l’écriture, la création intervenant en 1913. Symboliquement, ils pourraient être considérés comme le point de passage du XIXe au XXe siècle. Si les puissantes influences du post-romantisme sont perceptibles au début de l’œuvre, ces accents “wagnero-mahlériens” se font progressivement oublier. Les portes de l’innovation sonore s’ouvrent alors toutes grandes. Marc Albrecht le résume de façon limpide, affirmant qu’au « sein de la même œuvre, on peut percevoir le passé et l’avenir de la musique ».

Gigantesque et intime Cette partition qui tend vers le pharaonique est portée par un texte aux accents intimistes de l’écrivain danois Jens Peter Jacobsen : voilà les éléments essentiels d’une page questionnant la notion même de modernité. Elle reprend l’histoire, se déroulant dans le château de Gurre (d’où le titre), du roi Valdemar Ier, de ses amours avec la charmante Tove au meurtre de cette dernière par l’épouse du souverain. À Strasbourg sera réunie une distribution particulièrement soignée avec l’exquise Christiane Iven (Tove) et Lance Ryan (Waldemar) que l’on vit à son avantage en Siegfried dans la récente production de Götterdämmerung de l’Opéra national du Rhin, sans oublier l’actrice allemande Barbara Sukowa (dans le rôle de la narratrice) qui a notamment tourné avec Rainer Werner Fassbinder ou Margarethe von Trotta. De quoi rendre service à des sonorités foisonnantes, presque labyrinthiques dans lesquelles il convient de s’immerger en intégrant « l’ambivalence inhérente à l’interprétation des œuvres de Wagner et de Strauss, ce qui signifie à la fois brûler d’un feu intérieur et se contrôler » conclut Marc Albrecht.

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 23 juin

03 69 06 37 06 – www.philharmonique.strasbourg.eu

À Paris, Salle Pleyel, vendredi 25 juin

01 42 56 13 13 – www.sallepleyel.fr

 

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