Avec plus de quatre décennies au compteur, Perspectives, le festival franco-allemand des arts de la scène, continue de nous ravir.
Entre France et Allemagne, les surprises ne manquent pas. L’équipe du festival a beau s’être renouvelée en profondeur, les standards de l’événement ne varient pas d’un cil. En témoigne une belle programmation 2024 débutant avec le trio masculin Armour (18 & 19/05, Sankt-Jakob-Kirche), défiant les critères de la masculinité. Dans un espace scénique réduit à 18 m2, le public placé en tri frontal tout autour, Arno Ferrera et Gilles Polet tombent l’armure dans un spectacle où les portés voisinent avec fragilité. Les peaux se touchent et se tirent, se palpent dans une tendresse touchant au désir. Aucun des trois circassiens ne se prend plus au sérieux que nécessaire, préférant la douceur et l’érotisme qui désarçonnent, à la démonstration de force et d’excellence technique de puriste. Les masques risquent aussi de tomber avec Hokuspokus (20/05, Saarländisches Staatstheater) de la troupe allemande Familie Flöz. Une histoire de famille avec trois enfants, dans laquelle les comédiens sont munis de masques saisissants, contée… sans un mot. Bien sûr on y chante, joue du bruitage et de la distorsion du réel grâce à des images prises en direct. Mais la compagnie sait surtout laisser la part belle à l’interprétation pure, dénuée d’artifices, quitte à dévoiler certains des secrets de fabrique des images propres à la bande de Berlin.
Sur la Tbilisser Platz de Sarrebruck, trois circassiens pour le moins obsessionnels se lancent à leur tour dans une Sawdust Symphony (22 & 23/05) déjantée. Cet hommage à la sciure mêle jonglage (avec des marteaux), magie nouvelle (avec clous capricieux), tour à bois (pour toupie et copeaux en folie), et humour d’équilibriste (avec planches et saut de colle). Un régal d’ingéniosité dans lequel la scénographie et les objets semblent prendre vie… Aussi léger, mais non moins emballant, est Stéréo (23 & 24/05, Le Carreau), où Philippe Decouflé renoue avec le feu sacré de la musique live qui l’a cueilli dans sa jeunesse. Les Beatles (Oh Darling ou le totalement psychédélique Tomorrow Never Knows) et les Beach Boys rivalisent avec l’entêtante rythmique de guitare de Long Slow Goodbye de Queens of the Stone Age. Rien que ça. En live, trois musiciens (guitare, basse et batterie) mêlent leurs compositions à celles de monstres sacrés. « Stéréo est le résultat d’une envie de vitesse, de brillance, de virtuosité, d’énergie, de rock’n’roll. » Le chorégraphe dessine une danse des plus organiques, dans laquelle le jaillissement pur s’offre en rebonds d’acrobaties virtuoses. Surtout les moins illustratives possibles : pas question que la danse habille le concert, ni que le concert serve la seule danse. L’hybridité est de mise, la pulsation intérieure, celle qui meut les êtres, faisant le reste. Loin d’avoir le souffle créatif coupé, Decouflé bouscule les Stéréo-types, joue avec l’amour et ses tensions pour mieux nous parler de nous.
Au Carreau (Forbach), à la Scène de l’Hôtel de Ville (Sarreguemines), au Theater am Ring (Sarrelouis) et dans de nombreux lieux de Sarrebruck (Alte Feuerwache, Saarländisches Staatstheater…) du 16 au 25 mai
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