Opéra, musique symphonique, répertoire chambriste : la 40e édition du festival Musica dresse le portrait de la compositrice Kaija Saariaho, figure majeure de la création contemporaine.
Figure radicale des seventies, Kaija Saariaho fonda en 1977, avec d’autres jeunes compositeurs, le groupe Korvat auki (Ouvrez vos oreilles), véritable incubateur de la création finlandaise où figuraient notamment Magnus Lindberg et Esa-Pekka Salonen. Séduite par la musique spectrale de Gérard Grisey et Tristan Murail – qu’elle voit comme le prolongement de la tradition française de Debussy – elle trace néanmoins une voie profondément originale : « Je me sens comme un filtre, essayant à chaque fois de transformer mon expérience du monde en musique », explique-t-elle. À Musica, se découvrent les contours de son art, avec notamment l’opéra intime créé en 2016 Only the sound remains (16 & 18/09), utilisant un instrumentarium réduit : flûtes, percussions, kantele – la cithare finlandaise, qui tient une grande place dans l’épopée nationale, le Kalevala – et quatuor à cordes. Inspirée de l’adaptation faite par Ezra Pound de deux pièces de théâtre nō, l’œuvre se divise en autant de parties extrêmement épurées et raffinées, nimbées de surnaturel, où le sombre et angoissant Always Strong répond à l’évanescence lumineuse de Feather Mantle.
Intitulée Kaija dans le miroir (17/09), une journée complète est dédiée à la compositrice, débutant par la projection de son dernier opéra, Innocence, créé à Aix-en-Provence en 2021, dont le point focal est une tuerie de masse perpétrée dans un lycée. La suite permet notamment de réunir les plus fidèles complices de l’artiste pour un tourbillon chambriste retraçant sa carrière à travers des pièces emblématiques comme Nuits, adieux (1991) pour quatuor vocalet électronique – qui « traite du chant, du souffle, du chuchotement », avec ses voix amplifiées et transformées en live – ou Light still and moving (2016) pour flûte et kantele. En deuxième partie de soirée, se produiront les Tres Coyotes : Magnus Lindberg au piano et Anssi Karttunen au violoncelle se joignent à John Paul Jones, légendaire bassiste de Led Zeppelin, pour un show d’une éperdue liberté. Enfin, l’Orchestre national de Metz Grand Est et son directeur musical David Reiland (22/09) explorent la grande forme avec un concert 100 % féminin (regroupant aussi des pièces de la géniale Olga Neuwirth et de l’intrigante Clara Iannotta). S’y déploient l’iconique Verblendungen (1984), où l’hétérogénéité de l’orchestre contraste avec l’homogénéité d’une bande, et Trans (2015), concerto pour harpe d’une infinie délicatesse.
> Only the sound remains, au Maillon (Strasbourg) vendredi 16 et dimanche 18 septembre
> Kaija dans le miroir au Palais des fêtes (Strasbourg) samedi 17 septembre
>Concert de l’Orchestre national de Metz Grand Est à la Cité de la Musique et de la Danse (Strasbourg) jeudi 22 septembre
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