Pour sa troisième édition à Bataville, le Festival des Antipodes invite artistes et chercheurs de multiples disciplines à tisser des ponts et présenter leurs spectaculaires expérimentations.
Dans une partie des bâtiments industriels de la cité ouvrière de Bataville, qu’elle occupe depuis 2014, la Fabrique Autonome des Acteurs (FAA) poursuit un chemin singulier. En plein pays des étangs lorrains, Daria Lippi et Juliette Salmon ont donné vie à un lieu à part, structure transdisciplinaire dédiée aux arts de la scène, tout à la fois boîte à outils, atelier de transmission, de recherche fondamentale documentée et de création, destiné à tenter de démêler ce qui se joue dans la tête des interprètes en les confrontant à des protocoles (de travail, d’auto-évaluation, d’essais-erreurs) tirés de pratiques éloignées des leurs. Un maquis où partager savoirs et savoir-faire, une sorte de « CNRS du jeu » accessible sur prix libre.
Depuis l’an passé, le duo a été rejoint par de nouvelles forces vives, « une R-team*, groupe qui traverse tout ce que nous faisons et qui met en place le festival dont le fil rouge est de venir y apprendre quelque chose, que l’on soit comédien ou spectateur », raconte Juliette Salmon. De leur travail sont nés des Précipités distillés trois fois par jour sur la place publique et des Recherches en chemin (10 & 11/09, à 10h), conversations déambulatoires autour de Bataville où des artistes invités (l’auteur-acteur-beatboxer-rappeur D’de Kabal, la maître d’arts martiaux chinois Valérie Pourtier, des circassiens, etc.) exposent, en chercheurs dans un domaine spécifique, ce qui les anime.
Autre nouveauté pour ce dernier week-end festif aux airs d’été indien de la biennale des Antipodes, deux Dîners des voisins (09 & 10/09). « D’avril à octobre, durant un repas convivial ouvert à tous, la R-Team prépare des “extras” spectaculaires illustrant en de courtes formes un outil découvert lors du précédent labo de la FAA », confie Juliette. « Nous reprenons ce principe convivial qui permet d’échanger autour de la traduction du fondamental d’une discipline dans une autre, que nous dévoilons aux personnes présentes durant le festival. » Les habitués retrouveront le chapiteau rouge de la précédente édition qui s’installe dans le champ jouxtant la cantine, l’idée étant de « recréer une vraie place de village où tout se joue. Nous donnons au lieu sa place publique animée afin de rendre plus visible encore ce qui se déroule d’habitude à l’ombre des bâtiments. Avec le support technique le plus léger possible, nous faisons avec le réel dans des espaces réels, et c’est ce qu’on y fait qui nous intéresse, sans effets de manche ! »
Juliette Salmon y interprétera Si et seulement si (09 & 11/09), création commandée par Daria Lippi ayant pour consigne de s’attaquer à un solo sur la question des protocoles. D’de Kabal signe la mise en scène de cette conférence-spectacle dont sa complice a écrit le texte à la première personne, digression à partir « de recherches variées autour des sciences dures, notamment des neuroscientifiques avec un test sur l’empathie.» La forme oscille entre la folie du voyage d’une équipe enthousiasmée par des questions minuscules sur le comportement humain et les péripéties de son parcours de jeune actrice s’astreignant à des protocoles pas à la mode dans son milieu. La violoniste de formation opère ici un « profond retour sur l’adresse des choses à partir des nombreuses contraintes apportées par D’de Kabal : qu’est-ce qui change lorsqu’un flow est adressé dans les yeux ? Comment faire parvenir le sens et toucher par le son ? » La très riche partition musicale lui offre de solides appuis de jeu et, donc, une grande liberté.
Autre proposition étonnante, celle de Sandy Sun, créatrice de la danse sur trapèze fixe qui présente une pièce documentaire (Trapèze-existence-ciel, 11/09) pleine de réflexion, de force et de poésie. D’autres joueront (ou rejoueront) “Mon Théâtre”, créations maison sous forme d’autoportraits à partir de cinq contraintes : accueillir le public en voisin, raconter son chemin vers les arts de la scène, sa plus grande expérience de spectateur, expliquer une de ses techniques et ne pas excéder 30 minutes. Se prêteront à ce jeu intime l’autrice et comédienne Virginie Vaillant (09/10), le danseur Matias Tripodi qui explore la philosophie du tango avec quelques chaises vides (10/09) ou encore le circassien Philippe Goudard (Faire rire si possible, 10/09). Amis depuis deux décennies, Raphaël Otchakowsky & Lili Lekmouli créent “Notre Théâtre” en se penchant sur les liens pouvant réunir ce rappeur-batteur – également beatboxer lyrique à ses heures – et danseuse de flamenco formée au cœur de l’Espagne.
Sur l’ancien site de l’usine de chaussures Bata (Moussey) du 9 au 11 septembre
fabriqueautonome.org
* Cette équipe de recherche se compose d’Élodie Brochier, Silvia Gallerano, Joséphine Kaeppelin, Daria Lippi, Sophie Muriot, Juliette Salmon, Virginie Vaillant. Elles sont actrices, metteuses en scène, musiciennes, autrices, plasticiennes et vidéastes