Femme libérée
Pièce de Dario Fo et Franca Rame, Une Femme seule est un monologue cocasse et pathétique à la fois où une ménagère prend peu à peu conscience du carcan qui l’enferme, pour s’en affranchir.
Une musique assourdissante. Scie pénible diffusée par une quelconque radio FM de bas étage. Les spectateurs s’installent dans le vacarme. Sur la scène, s’affaire une femme au look improbable, entre le déshabillé sexy et le tablier de ménagère version Marie-Pierre Casey dans la pub pour Pliz. Elle, c’est Marie, incarnée par Sophie Engel, diplômée de l’Ensatt de Lyon (École nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) en juin dernier, comédienne virtuose et virevoltante qui se coule avec aisance dans un univers foutraque en voie de déréliction avancée. « Quand je suis seule à la maison, si je ne mets pas la radio à pleins tubes, j’ai envie de me pendre » déclare d’emblée cette femme au foyer à l’existence complexe. Enfermée par un mari jaloux, elle vit avec son fils et son beau-frère paralytique à la main baladeuse – heureusement qu’il n’en a qu’une – sous l’œil d’un voyeur lubrique, harcelée par un pervers pépère au téléphone. « C’est la rencontre avec une voisine avec qui elle parle, de fenêtre à fenêtre, qui va déclencher une prise de conscience » explique Sophie. Le modus operandi rappelle quelque peu La Cérémonie de Chabrol, film avec lequel le monologue entretient d’autres parentés.
Dans cet univers imaginé à la fin des années 1970 par Dario Fo et son épouse Franca Rame (qui était sur scène), tout est excessif : texte un peu daté – dans son côté provoc’ censé choquer l’assistance, mais qui ne choque plus personne – Une Femme seule demeure drolatique et efficace par son propos féminisme outré exprimé dans une écriture de l’exagération pleine de brio : « Avec mon mari ça ne marche pas ! Je n’éprouve pas… Je n’arrive pas à… Oui… Ce mot-là… Quel mot ! Quel mot !! Je ne le dis jamais ! Orgasme ! On dirait le nom d’une horrible bête… Je verrais ça dans un journal : Orgasme adulte échappé du cirque américain ! Un orgasme forcené a agressé une bonne sœur au zoo. » Peu à peu, Marie comprend son aliénation même si jamais « les femmes ne sont exemptées de leur responsabilité et considérées en simples victimes » assure son interprète. Dans un tourbillon burlesque, elle expose son quotidien à cette interlocutrice invisible et son foyer, réduit sur la scène à ses objets élémentaires (fer à repasser, téléphone, table… ), se disloque peu dans un jubilatoire irrationnel. Au final, à la question centrale de la pièce – « Comment s’émanciper ? » – est apportée une réponse radicale.
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