Fathers & son

Nom d’un chien, Un jour parfait !, 2012, Collection privée Privatsammlung. Photographie : Clérin-Morin © Yan Pei-Ming, ADAGP, Paris, 2020

À Colmar, Au nom du père retrace avec élégance la trajectoire de Yan Pei-Ming, des représentations de Mao à un autoportrait au temps de la Covid-19.

Conservatrice en chef au Musée Unterlinden, Frédérique Goerig-Hergott souhaitait « une exposition à caractère rétrospectif balayant toute la carrière de Yan Pei-Ming (né en 1960) ». Mission accomplie avec un parcours débutant dans un cabinet intime où se déploient des dessins réalisés à Shanghai, autoportraits de la fin des années 1970 marqués des influences croisées de l’école française et du réalisme socialiste post-révolution culturelle. Après son diplôme aux Beaux-Arts de Dijon en 1986, l’artiste s’attache au sujet de Mao. Ses premières toiles s’emparent des codes de la propagande pour mieux les faire voler en éclats : avec Col rouge (1987), le portrait grisé du Grand Timonier – rappelant certaines pièces de Gerhard Richter – voisine avec un idéogramme carmin vif. Peu à peu, l’artiste crée un univers où les portraits sont d’une expressivité hors du commun ; en cela il est l’anti-Warhol par excellence. Les visages semblent sourdre d’une glèbe pigmentaire, comme modelés ex nihilo avec violence dans des compositions monumentales à l’image d’un Portrait de Mao (1990).

Après le père de la patrie, c’est le père biologique qui apparaît dans ses toiles immenses, décrit de toutes les manières possibles dans une série intitulée L’Homme le plus… Suivent des adjectifs (faible, paresseux, doux, respectable, etc.). Autre figure paternelle, Bouddha traverse l’œuvre de Yan Pei-Ming, mais peu importe le sujet : l’artiste semble toujours s’intéresser à l’Homme dans sa globalité. Ses strates de peinture appliquées à grands coups de brosse sauvages composent des visages qui sont autant de paysages s’épanouissant dans de larges champs chromatiques explorant toutes les nuances du gris, du rouge plus rarement, voire du bleu. Illustrant cette uni- versalité, Nom d’un chien ! Un jour parfait (2012) est un triptyque christique aérien, où l’artiste se représente en lévitation, sortant littéralement d’une couche de pigments grisâtre. Avec Pandémie (2020), réalisé spécialement pour l’exposition en écho au Retable d’Issenheim, il exprime « une angoisse qui est la nôtre aujourd’hui. C’est un “arrêt sur image” sur les temps que nous vivons », résume-t-il. Une lune blafarde se détache sur une plaine sombre où se devinent, lointains, les immeubles d’une cité HLM. Au premier plan, des corps dans des sacs mortuaires. Entassés. Prêts pour la fosse commune. Dans cette version apocalyptique d’Un Enterrement à Ornans de Courbet, l’artiste est là, en combinaison de protection, mas- qué, penché dans une pose rappelant celle des protagonistes de L’Angélus de Millet. Le visiteur est saisi. N’en ressort pas indemne, à peine rasséréné par la lueur d’espoir posée sur une coupole évoquant Saint-Pierre de Rome.


Au Musée Unterlinden (Colmar), jusqu’au 6 septembre
musee-unterlinden.com
yanpeiming.com

Un cycle de conférences via Zoom est prévue avec Identité et humanisme chez Ming par Christian Besson (20/05), Yan Pei-Ming au Musée Unterlinden par Frédérique Goerig-Hergott (03/06) et Yan Pei-Ming : Le peintre le plus par Éric De Chassey (24/06)

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