La 4e édition de FARaway, festival des arts à Reims, met un coup de projecteur sur des artistes originaires d’Afrique de l’Ouest. Découverte.
Aristide Tarnagda. Ce nom ne vous dit sûrement rien, et pourtant ce metteur en scène et auteur dirige Les Récréâtrales, le plus grand festival de théâtre d’Afrique de l’Ouest, à Ouagadougou. Il est l’une des têtes d’affiche de FARaway 2023. Le Burkinabé y présente trois de ses mises en scène. Il s’empare de la comédie brûlante Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza. Un jury de trois femmes et douze hommes se retrouve, en tant que comité de surveillance du quartier Masina Sans-Fil à Kinshasa. Si l’armée a commis une bavure en tuant des supporters qui revenaient d’un match de foot, pensant qu’il s’agissait d’une manifestation contre la hausse des prix, c’est à eux qu’incombe de déterminer le montant que l’État donnera, pour indemnisation, à chacune des familles des victimes. Dans un espace dépouillé, estimer la vie d’un adulte, d’un enfant, d’un ancien, sert de métaphore aux contradictions de tout un pays. En résidence pour trois semaines avant le festival à La Comédie de Reims, Aristide Tarnagda crée un diptyque de deux solos volcaniques avec de nouveaux jeunes interprètes des Récréâtrales : l’ivresse du désir d’avenir d’une jeunesse au destin confisqué (Les Larmes du ciel d’août) et le monologue dialogué Et si je les tuais tous Madame, portrait d’un miséreux en exil, qui par le verbe raconte le fil d’une vie chaotique. Entre lyrics du groupe de hip-hop Faso Kombat et chansons traditionnelles, ce sont les murs du silence qui tombent. Sur leurs ruines, un voyage – intérieur ? – paraît la seule échappatoire…
Autre temps fort, la carte blanche laissée au chorégraphe Salia Sanou, figure de la danse sur le continent. Il transmet l’une de ses œuvres phares, Clameur des arènes, à de jeunes interprètes burkinabés (dont quatre femmes, alors que ces joutes traditionnelles sont souvent vues comme masculines), issus de La Termitière, le centre chorégraphique qu’il a créé dans son pays en 2006 : corps bandés et luisants de sueur sur fond de sacs rouges empilés, accompagnés sur scène d’un groupe de musique pour un rituel plein de grâce mêlant parade et intimidation. Il poursuit ce renversement des représentations genrées dans À nos combats, où il fait rejouer Rumble in the jungle, duel Ali vs Foreman de Kinshasa en 1974, avec une danseuse, un danseur et une boxeuse professionnelle. Sur une musique de Sega Seck, ils sont accompagnés par le maître de cérémonie Soro Solo (animateur de l’inoubliable émission L’Afrique enchantée sur France Inter) et une soixantaine d’amateurs répartis en deux équipes pour jouer les supporters. Ne manquez pas non plus le pamphlet de Léonora Miano, Et que mon règne arrive, dans lequel l’autrice s’attaque à la place des femmes en Afrique noire. Le féminisme européocentré et le machisme ordinaire se répondent dans une mise en scène enjouée et accrocheuse d’Odile Sankara.
À La Cartonnerie, au Césaré, à La Comédie, au Frac Champagne-Ardenne, au Manège, à Nova Villa, à l’Opéra et dans quelques lieux partenaires de Reims jusqu’au 12 février
farawayfestival.eu