Faire sienne
Deux ans après Portland, l’enfant prodige de la danse espagnole, Marcos Morau, et sa compagnie La Veronal, sont de retour à Strasbourg avec Siena, pièce maîtresse d’un décalogue géographique initié en 2011.
La Veronal. Demandez à Marcos Morau pourquoi il a donné à sa compagnie de danse le nom d’un barbiturique, il vous répondra que c’est à cause du suicide de Virginia Woolf… Ainsi va la vie dans la tête de cet artiste trentenaire hyperactif, à qui l’on doit pas moins de 25 pièces en 13 ans. Dans Siena (2013), réflexion sur la représentation des corps de la Renaissance à nos jours, le Catalan imagine un espace muséal. Huit interprètes androgynes y évoluent en tenue d’escrimeurs devant La Vénus d’Urbin de Titien au format XXL. Lascive et imperturbable, elle regarde les spectateurs droit dans les yeux. Ici, tout est affaire de point de vue. Point de vue de cette femme qui regarde la Vénus au début du spectacle. Point de vue de l’homme qui observe la scène. Point de vue des danseurs et de leurs corps réels ou représentés, morts ou vivants. Sans oublier le point de vue d’un spectateur résolument au travail, poussé à questionner sans cesse la nature de ce qu’il voit.
« Let’s go look behind the painting » dit une voix de femme. Ironie poétique, Vénus disparaît pour faire place à une scène de funérailles toute en profondeur. Une fenêtre ouverte sur un autre monde investi par la troupe de danseurs-performeurs qui entre littéralement dans le tableau, mettant ainsi en question la tension entre le réel et sa représentation. Une déconstruction du rapport que l’Homme entretient avec lui-même, son corps et son image. Le tout rythmé par une bande son dans laquelle l’opéra italien et les airs folkloriques appuient des atmosphères hitchcockiennes. Qu’est-ce que l’Art ? Comment le regarde-t- on ? Dans cette pièce créée en Italie, avec pour muse la ville de Sienne, l’art plastique devient vivant… ou inversement.