Fabien Mengus, chef à L’Arnsbourg
En plein coeur des Vosges du Nord, l’art délicat de Fabien Mengus s’épanouit à L’Arnsbourg depuis 2016. Visite chez le chef établi à Baerenthal, à quelques encablures de son Alsace natale.
Il est un des cuisiniers les plus discrets de la région : Fabien Mengus a passé une quinzaine d’années au Cygne de Gundershoffen (d’abord dans l’ombre de François Paul puis, dès 2011, dans la lumière des deux Étoiles Michelin), avant de reprendre l’institution gastronomique qu’est L’Arnsbourg, posé en plein coeur du “pays verrier” – Meisenthal ou Saint-Louis-lès-Bitche sont à une portée de fusil. En six ans, avec son épouse Laure – hôtesse souriante et prévenante –, le jeune quadragénaire « parti d’une feuille vierge » a réussi son pari. « Nous avons essayé de faire un peu mieux tous les jours. Aujourd’hui, nous nous sommes appropriés les lieux. » Et le rachat de l’hôtel en 2018, îlot d’élégante contemporanéité posé à quelques pas du restaurant et véritable balcon sur la forêt (tant les échappées belles sylvestres depuis les chambres sont charmantes), y a sans aucun doute contribué. Si le chef est peu disert, ses compositions nimbées d’une puissante sérénité, extraordinairement expressives et pleines d’une généreuse poésie, parlent pour lui : « On voit l’âme d’une personne dans les assiettes qu’il compose », affirme dans un sourire celui qui n’a qu’une Étoile au Guide Michelin et mériterait assurément de doubler la mise. Et d’âme, il est question à chaque instant du repas.
Une création ayant pour épicentre des médaillons de homard séduit l’œil : le noble crustacé y dialogue avec des dés de chou-rave à la douce sucrosité et une étuvée de chou chinois, dans une structure où l’organisation rigoureuse s’amuse du chaos, à l’image de certaines galaxies observées au télescope. Liant l’ensemble, un sabayon éthéré au citron vert piqueté de poudre de corail renforce l’effet cosmique de l’affaire, y apportant une touche acidulée qui crée la cohérence du plat. Suit une composition abstraite à l’implacable géométrie, présentant (de droite à gauche) trois noix de Saint-Jacques, un pavé rectangulaire de chou vert braisé marqueté d’éclats de sarrasin et un cercle de jus aux herbes d’un vert iridescent. L’ensemble – qui aurait pu être peint par Vasarely, à ses débuts – est une explosion de fines saveurs laissant le dîneur heureux. Enfin, impossible de ne pas évoquer la tendresse d’un dos de jeune cerf, que jouxte une poignée de cubes de butternut infusés à la badiane – on ne soulignera jamais assez le rôle des saveurs anisées pour faire danser le cha-cha-cha à un plat –, accompagné d’un sylvestre condiment de mûres et framboises à l’estragon. Toute cette majesté exhale un puissant parfum de revenez-y. Voilà qui explique sans doute pourquoi de nombreux clients de L’Arnsbourg sont des habitués !
L’Arnsbourg est situé 18 Untermuhlthal à Baerenthal. Fermé lundi et mardi toute la journée, ainsi que mercredi midi. Menus de 59 à 149 €
arnsbourg.com
> Le Cygne, table bistronomique de Laure et Fabien Mengus, se trouve 35 Grand Rue à Gundershoffen. Le chef exécutif Jean-François Royer officie dans cette adresse récompensée par un Bib Gourmand au Guide Michelin, distinguant les tables offrant le meilleur rapport qualité-prix.
aucygne.fr