Retour en force d’EXTRADANSE, festival porté par Pôle Sud qui invite une nouvelle génération d’artistes à Strasbourg pour évoquer le monde de demain.
Avant une édition inédite d’EXTRA- PÔLE – renommée pour l’occasion EXTRA ORDINAIRE dont les participants investiront la Meinau et le Neuhof pour trois semaines de résidence et trois jours d’interventions publiques (13-15/05) – Pôle Sud signe un festival printanier bigarré aux écritures de plateau inhabituelles. Poreux aux mutations bousculant nos manières de vivre, de se représenter comme d’appréhender le monde, divers artistes s’emparent du numérique et de notre tendance à l’hyper connectivité. Ainsi en va-t-il de Barbara Matijević et Giuseppe Chico (Forecasting, 02 & 03/04, présenté avec le TJP), glanant des vidéos amateurs sur YouTube qui défilent sur un écran d’ordinateur. Barbara utilise son corps dans l’espace vide pour reconstituer le contexte manquant des images, jouant de son inventivité et de son humour pour les compléter telles qu’elle les imagine. Allongée au sol pour lécher des pieds, braquant un flingue ou passant son bras derrière l’écran pour qu’il se prolonge avec une radio de main aux doigts extraordinairement longs. Se dessine une réflexion sur l’influence des images et de leur partage via de tels formats sur les représentations intimes que nous avons de nous-mêmes. Internet est aussi en jeu dans Ode to the attempt (22 & 23/03, Pôle Sud) où le amand Jan Martens fouille les chiers de son portable dans un zapping vidéo projeté sur grand écran. De sa collection de sel es à ses chansons préférées, il passe du coq- à-l’âne, d’un orilège d’images à son corps dansant. Son solo introspectif est suivi, dans la même soirée, de Together_till the end. Le chorégraphe Arno Schuitemaker y propulse deux danseurs dans une transe de ving-cinq minutes menée cœur battant sur une hypnotique pulsation electro. Leurs mouvements circulaires inarrêtables se mêlent à l’interaction des énergies animant les corps et leur interdépendance.
Participatif
Cette édition sera aussi l’occasion de retrouver des figures familières, à l’instar de Martin Schick. Le performer suisse, installé à Berlin, avait déjà illuminé le festival Nouvelles1 de Pôle Sud en 2013 avec un ovni post-capitaliste requérant la participation du public (Not my piece). Sur le plateau se retrouvaient tous les objets dont nous n’aurions plus besoin si nous ne consommions plus à outrance (toilettes sèches, vélo générant de l’électricité…). Le trublion faisait aussi partie de CMMN SNS PRJCT invité par le défunt festival Premières2, en 2012. Dynamitant et réinventant les codes du théâtre avec la danseuse argentine Laura Kalauz, il prenait le parti de l’interactivité en échangeant des objets avec les spectateurs. L’inconnu dans lequel on tombait en se faisant offrir quelque chose créait une relation basée sur un mécanisme non-marchand, à partir duquel les deux performers questionnaient les relations économiques et humaines. Vertigineusement édifiant et d’une efficacité imparable. Son retour à Strasbourg avec Halfbreadtechnique (20/03, Pôle Sud) s’inscrit dans le même esprit provocateur. Cette fois, c’est l’économie du spectacle vivant qu’il revisite dans le cadre de ses « Low Budget Series ». Il pousse l’idée du partage jusque dans ses limites, touchant à l’absurde. Il décide de diviser tout en deux pour en faire bénéficier un danseur invité d’un pays « économiquement troublé », son cachet et son espace – c’est-à-dire la scène du spectacle qui propose donc deux performances sans rapport, en simultané. Parfois, c’est au public qu’il fait ce don, dynamitant la position même d’observateur. Êtes-vous prêts à faire fty- fty et laisser de côté vos attentes ?
Festif
Dans un tout autre registre, le chorégraphe et danseur catalan Pere Faura bouscule à sa manière les représentations de la danse dans Sweet tyranny (19 & 20/03, Pôle Sud). Il esquisse un catalogue rempli d’humour autour des gestes pop qui le fascinent, décomposant Flashdance ou les mouvements de John Travolta qu’il adule, offrant une réflexion sur le plaisir de danser et les icônes populaires. Cette plongée joyeuse et intime dans ses goûts se poursuit jusque dans l’art de l’effeuillage auquel il dédie le solo Striptease (22 & 23/03, Pôle Sud). Les amateurs d’ensembles plus importants se jetteront dans NÄSS (Les Gens, 03-05/04, présenté avec Le Maillon au Théâtre de Hautepierre) de Fouad Boussouf. Vitalité et intensité sont au menu d’une pièce s’inspirant de la culture gnawa. Sept danseurs y évoluent dans des élans hip-hop mâtinés de danse traditionnelle marocaine formant des rondes ultra rythmées et entraînantes. Pulsation de vie et vibrations inspirantes composée par Roman Bestion animent un spectacle diablement ef cace et sautillant, battant la chamade de cœurs à l’unisson.
À Pôle Sud, au TJP et au Théâtre de Hautepierre (Strasbourg) mais aussi au Point d’Eau (Ostwald), du 19 mars au 5 avril
pole-sud.fr
1 Lire Denses Danses dans Poly n°158 ou sur poly.fr
2 Voir Premières Classes dans Poly n°149 ou sur poly.fr