Extension du domaine d’exposition
Le Musée Unterlinden de Colmar, après trois ans de travaux, a rouvert ses portes aux visiteurs qui (re)découvrent une riche collection dans un écrin restauré, remodelé et agrandi par Herzog & de Meuron. Grâce au duo star de l’archi, le lieu dévoile ses secrets.
Rénovation. Extension. Unterlinden s’est offert une beauté et a doublé sa surface grâce à un ambitieux « projet architectural, muséographique et urbain », selon Pantxika De Paepe, qui interpelle tout en se fondant dans la vieille ville colmarienne. La Conservatrice en Chef du musée se réjouit de la réhabilitation de l’ancien couvent permettant « une meilleure compréhension de l’espace historique », de la transformation des Bains (bâtiment de 1906, en face) et de l’édification de la nouvelle bâtisse nommée Ackerhof (située à l’endroit d’une ancienne ferme). Trois entités différentes pour un seul projet cohérent. D’un côté, il y a la partie dédiée à la collection allant de l’archéologie au XIXe siècle : le bâtiment d’origine, soit le couvent médiéval des Dominicains avec la chapelle qui abrite le Retable d’Issenheim de Grünewald (1512-1516).
En face, la création moderne et contemporaine, dans la toute nouvelle construction (XXe siècle et expositions temporaires) et la piscine des Bains municipaux (événements et performances). Ces deux pôles symétriques sont reliés par un souterrain, une galerie présentant l’histoire du musée et des œuvres des XIXe et XXe siècle. Au centre de cet ensemble, un “marqueur” : une petite maison (en lieu et place d’un ancien moulin) à la silhouette minimaliste rappelant celle qui accueille le public devant le Schaulager en banlieue de Bâle, institution d’Art contemporain également édifiée par Herzog & de Meuron, prix Pritzker 2001. La maisonnette – archétypale – fait écho à la nouvelle et radicale bâtisse qui réinterprète le volume de la chapelle, en proposant une forme contemporaine mais intégrée dans le tissu urbain très minéral (présence de la pierre, du grès…) grâce aux matériaux utilisés : la brique cassée à la main et le cuivre de la toiture. On retrouve notamment la forme simple de l’Ackerhof dans la VitraHaus de Weil-am-Rhein : il s’agit d’une des signatures d’Herzog & de Meuron, revoyant au concept même d’habitat.
Des strates d’Histoire
À Colmar, le duo, auteur dans un tout autre registre du Stade de Pékin en nid d’oiseau, a travaillé sur un projet global, intégrant différentes entités et des espaces à réhabiliter. Il y a d’autres exemples, comme le Park Avenue Armory à New York, une ancienne armurerie du XIXe siècle transformée en lieu culturel par l’agence Herzog & de Meuron qui fait le parallèle : « Il s’agit d’un projet similaire de restauration et de réhabilitation d’un bâtiment, très différent d’Unterlinden, bien sûr, mais avec des problématiques de conservation comparables. À Colmar, il n’était pas question de reproduire à l’identique ce qu’il y avait avant, mais de travailler avec les formes existantes et de tenir compte des couches d’Histoire. Nous avons choisi de réinterpréter ce qui a été là avant plutôt que de le reproduire. » Dans certaines salles, des fenêtres murées ont été rouvertes, ailleurs les architectes ont retiré les faux plafonds qui cachaient la hauteur originelle. Dans l’espace consacré à Martin Schongauer et ses descendants, a été découvert un magnifique plafond en bois peint, constitué d’un étonnant patchwork de panneaux disparates. Celui-ci date sans doute de l’ouverture du musée, en 1853, dans le couvent des Dominicains, devenu au fil des siècles hébergement pour prisonniers de guerre ou encore hôpital militaire. L’agence a été accompagnée par Richard Duplat, architecte en chef des Monuments historiques qui s’est « souvent posé la question de ce qu’il fallait maintenir ou non, comme le plafond de réemploi du XIXe. Il nous semblait important de raconter l’histoire du lieu. »
Un cheminement fluide
Joyau du musée, le Retable d’Issenheim est toujours situé dans la chapelle qui a été épurée en vue d’unifier l’espace et de créer un plan continu jusqu’au chef-d’œuvre de Grünewald, notamment grâce à un parquet posé au sol. « Il fallait éviter toute mise en scène spectaculaire » insiste Jean-François Chevrier, conseiller pour la muséographie. Pour sa collègue, Elia Pijollet, exit « le surplus de design qu’on a trop souvent dans les musées : celui-ci prend le dessus sur l’espace et les œuvres que nous préférons mettre en valeur par des éléments de présentation discrets. » Il a fallu « redonner de la clarté » à l’ensemble et concevoir un parcours limpide à travers une collection hétérogène. Pari gagné. Le visiteur sillonne le musée, soit 7 000 ans d’histoire de l’Art réunis sur plusieurs lieux composites formant une seule entité, contemplant La Mélancolie de Cranach (1532), le non moins mélancolique portrait de Joseph Le Cœur de Renoir (1870-72) ou une immense tapisserie du Guernica de Picasso (tissée par Jacqueline de La Baume en 1976 et enfin sortie des réserves), avant d’être pris de vertige dans la salle des expositions temporaires (avec une hauteur de 11,50 mètres) au second étage du nouveau bâtiment. Un étourdissant voyage spatio-temporel tout en fluidité.
03 89 20 15 50 www.musee-unterlinden.com Exposition Agir, contempler commissionnée par Herzog & de Meuron, jusqu’au 20 juin www.herzogdemeuron.com