De Yuksek à Brisebard et Chester Remington, Reims est une ville où les talents abondent : Portrait d’une scène musicale en constante ébullition.
La cité des rois est une ville culte. Et pas que pour son pétillant breuvage ou sa régalienne cathédrale ! Aux yeux des amateurs de musique, elle fut d’abord la capitale de l’electro pop à la française dans les années 2010, avec Brodinski en tête d’affiche et Yuksek en figure tutélaire. C’était la grande époque de ce qu’on a appelé la “Classe rémoise”, destinée à assurer la relève de la French touch. « Ils ont ouvert la brèche, montré à tous que c’était possible ! Aujourd’hui, la scène musicale du cru est plus bouillonnante que jamais et totalement décomplexée », s’enthousiasme Arnaud Bassery. À la tête de Quartier Libre, lieu alternatif proche de la gare, il accueille chaque week-end les DJ sets des nouveaux collectifs / labels electro pullulant dans la ville, des surdoués de La Forge à Lune (en concert les 24 & 25/06 dans le cadre du festival La Magnifique Society). Une effervescence qui va désormais bien au-delà de la techno, comme en témoigne le succès grandissant de la chanteuse ardennaise Fishbach, de Brisebard avec sa sunshine pop seventies (tous deux aussi à La Magnifique Society, les 25 & 26/06), ou de rappeurs comme San-Nom et Leys.
Un incubateur de talents
Leur point commun à tous ? La Cartonnerie ! Depuis son ouverture en 2005, la salle de musiques actuelles labellisée SMAC – l’une des plus grosses de la Région Grand Est, avec ses trois espaces de concert et ses studios de répét’ – a su créer les conditions pour l’émergence d’une scène locale obstinément pétillante et féconde. Après avoir servi de “base de lancement” aux projets des Yuksek & Co, la structure a mis au point un plan d’attaque redoutable pour la suite. « L’idée est d’offrir un dispositif d’accompagnement par strates, depuis les locaux de répétition où nos équipes conseillent quelque 300 groupes par an, jusqu’aux résidences pour les projets plus avancés », résume son directeur, Cédric Cheminaud. « Entre ateliers techniques, master-class et rencontres, on crée un cercle vertueux de partage et de réseau. »
Et ce n’est pas Odilon Horman, leader des Chester Remington, un groupe de rock garage faisant de plus en plus parler de lui (en première partie de SLIFT, le 15/04), qui dira le contraire… « C’est une ressource inestimable, capable d’encadrer les jeunes de A à Z, jusqu’à envoyer ceux qu’elle pense prêts aux Inouïs du Printemps de Bourges rencontrer les professionnels (labels, tourneurs, etc.). »
L’esprit d’entraide
L’autre atout majeur de la ville, c’est sa Magnifique Society. Succédant au mythique Elektricity – dont l’essor contribua grandement à celui de la “Classe rémoise” en son temps –, l’ambitieux festival porté par La Cartonnerie se veut avant tout éclectique. Fin juin, la 5e édition brassera sur les pelouses du somptueux Parc de Champagne stars internationales (Herbie Hancock), reines de la chanson française (Clara Luciani) et… jeunes pousses locales. Sans oublier la présence de leurs illustres “grands frères” – jamais bien loin –, à l’instar cette année de Yuksek (encore lui, décidément !), qui viendra avec son émission de radio Nova offrir cinq heures de programmation. Comment rêver meilleurs tremplin et vitrine ? Mine de rien, il est sans doute là le secret de la success story : dans ces gens attachés à leur territoire, toujours prêts à partager leur expérience et à filer des coups de mains.
Zone créative
Le Port Sec n’a plus rien d’une friche industrielle. Dans ce nouveau “Quartier Musique”, La Cartonnerie voisine désormais avec Le Césaré, le tiers lieu du Shed et sa programmation orchestrée par Jazzus, l’école de musique Le Lieu, le Studio de danses urbaines 511 et même, depuis février, la grosse machine à concerts de l’Arena (9 000 places). Une proximité dont ces acteurs ont décidé de faire une force, travaillant en complémentarité et non en concurrence. Événements croisés, communication partagée…