Être ou ne pas être Macbeth
En résidence à l’Espace 110, la Compagnie des Rives de l’Ill de Thomas Ress explore la plus sombre des tragédies shakespeariennes, dans une audacieuse réécriture. Ladies – Macbeth joue sur les ambiguïtés entre féminin et masculin pour dire l’humaine soif de pouvoir.
« Shakespeare est un peu mon auteur fétiche », confie Thomas Ress, metteur en scène de la compagnie des Rives de l’Ill. « J’avais déjà monté Macbeth en 2005, pour un travail d’études, et j’ai eu envie d’aller plus loin et d’exploiter cette pièce en lui faisant dire d’autres choses. » Le jeune artiste mulhousien ne se contente pas de creuser la matière, il entend la transformer. « Ce qui me dérange dans la version shakespearienne, est cette image de la femme, serpent tentateur ou démon. J’ai préféré orienter la réflexion sur l’humain face à la quête du pouvoir, plutôt que sur la question du rapport homme / femme. » Pour cela, il a fait appel une nouvelle fois à l’auteur Jean-François Mathey qui avait déjà adapté La Métamorphose de Kafka, présentée au dernier festival d’Avignon. « Dans Shakespeare, Macbeth a des réactions féminines et Lady Macbeth se conduit en homme. Ne souhaite-t-elle pas être “désexuée” ? », s’interroge l’auteur de Ladies – Macbeth qui réussit à distiller l’ambiguïté tout en conservant la trame narrative originelle. L’archétype de la femme cruelle et manipulatrice disparaît pour mettre sur un pied d’égalité le couple diabolique. Alors Macbeth, homme ou femme ? À moins qu’il ne soit les deux à la fois ? La pièce dépasse le clivage des sexes, pour porter son regard sur le genre humain, ses failles, ses vices, ses vanités.
Quatre comédiens jouent subtilement de ces ambiguïtés mises en abyme, en incarnant à la fois les personnages principaux et les rôles secondaires. Les fameuses sorcières ne seraient-elles pas l’autre visage de Lady Macbeth ? Thomas Ress les a voulues outrageusement vulgaires, imbibées d’alcool, mais s’exprimant dans l’impeccable langue de Shakespeare. Les acteurs, en déséquilibre sur un plan incliné jalonné de pièges, sont constamment mis en danger, parce que « jouer Macbeth, c’est tout donner. Les personnages sont conduits par leurs tripes, leur sexe, leur ambition, leur désir ». Derrière eux, l’inquiétante forêt de Birnam se meut par la magie d’une projection vidéo sur un rideau de fils, dans l’atmosphère musicale pénétrante créée par Vincent Eckert. « Un univers sans lumière habité par des êtres aveugles qui tournent en rond et se heurtent dans le noir. Et les plus désespérés sont les plus violents. Le tableau est sombre. Pourtant il est un cri à vif pour que l’espoir soit possible », conclut Jean-François Mathey.
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