Et j’ai crié, Alina

© Eva Vermandel

Artiste en résidence auprès de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, la violoniste russe Alina Ibragimova est une étincelante virtuose qui entraîne le public au cœur de continents musicaux où le tranchant tutoie la douceur.

Nous avions découvert la fulgurance de son talent en 2015 dans un concert de musique de chambre 100% Mozart avec Cédric Tiberghien, artiste en résidence d’alors auprès de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Alina Ibragimova occupe cette “fonction” au cours de la saison et nous donne plusieurs rendez-vous, dont un attendu nouveau duo avec le pianiste français autour de Bach, Brahms, Schumann et Cage (05/03, Cité de la Musique et de la Danse). En attendant, c’est à un concert pyrotechnique au fort accent russe que nous convient la jeune virtuose et le directeur musical de l’OPS, Marko Letonja.

À côté du noble classicisme traversé d’une brûlante angoisse de la Symphonie n°25 de Mozart, sont en effet programmés la suite d’orchestre de 1919 tirée de L’Oiseau de feu de Stravinsky – entre danse infernale et berceuse – et le Concerto pour violon n°1 que Chostakovitch écrivit en 1947 / 1948… et mit sous le boisseau jusqu’en 1955, date de sa création. Entre-temps, le Petit Père des peuples et Jdanov, grand ordonnateur du réalisme socialiste, avaient passé l’arme à gauche. Aucun des deux n’auraient sans doute goûté la « suppression des sentiments » à l’œuvre dans le premier mouvement ou le caractère « démoniaque » du deuxième, pour le dédicataire de la partition, l’immense David Oïstrakh. L’occasion est belle de découvrir l’archet d’Alina Ibragimova, passée par les meilleures institutions britanniques – Yehudi Menuhin School et Royal College of Music – qui mêle habilement douce délicatesse et féroce âpreté tutoyant la flamboyante violence de l’âme russe dans des jaillissements d’essence toute woyzeckienne, puisque son jeu semble courir sur le plateau comme un rasoir ouvert. Chambriste émérite qui a fondé le Quatuor Chiaroscuro jouant sur instruments anciens – un des plus excitants des années 2010 – elle instille une étonnante intimité dans chacune de ses prestations. Cela va comme un gant à cette partition de Chostakovitch.

Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg), jeudi 27 et vendredi 28 octobre

www.philharmonique-strasbourg.eu

www.alinaibragimova.com

vous pourriez aussi aimer