Éric Westermann et le Buerehiesel
Distinguée par une Étoile au Michelin depuis 2008, la cuisine d’Éric Westermann est toute de sincérité et d’évidence. Visite au Buerehiesel, adresse phare de Strasbourg.
Aux commandes du Buerehiesel depuis 2007 – « J’ai l’impression que c’était hier », s’amuse-t-il –, Éric Westermann a transformé la maison que son père Antoine avait portée au firmament des trois Étoiles du Guide Michelin en un établissement où décontraction rime avec distinction. Véritable réussite, cette mue a conquis les Strasbourgeois – mais pas que… – qui se sont réappropriés un restaurant affectueusement surnommé “Le Bubu” par bien des convives, qui en ressortent le sourire aux lèvres. Si le maître des lieux désire évidemment magnifier le produit – « qu’il soit noble ou tout à fait banal, il doit être au top » –, son credo se résume en une phrase : « Au final, les seuls qui ont raison dans l’affaire, ce ne sont ni les guides, ni les journalistes, mais les clients. C’est pour eux qu’on travaille. » Si Éric a su se faire un prénom, l’ombre du père plane encore, parfois, sur la cuisine du fils : « Si je touche aux cuisses de grenouilles, je finis au pilori », se marre-t-il, évoquant une recette immuable depuis des décennies. Il est vrai que la chair soyeuse des pattes de l’amphibien poêlées au cerfeuil et accompagnée de schniederspaetle – ravioles typiques de l’Alsace du Nord – farcies d’une étuvée d’oignons tutoie la perfection. Ce qui se joue entre le gras du duo beurre / crème et l’acidité d’un trait de Melfor est d’une merveilleuse subtilité. On mange ça avec les doigts, sans façons.
Mais Éric Westermann ne demeure pas confit dans le passé, imaginant des plats d’une grande sincérité, à l’image d’un effiloché de tourteau au citron vert servi avec une fine gelée de crustacés aux agrumes irradiant comme un soleil d’un jaune translucide, presque irréel, tombé dans l’assiette. Quinoa et légumes croquants font revenir cette composition marine vers le rivage avec un intense bonheur. Exquisément terrienne est également une tartelette de courge de Nice légère comme un songe, à la charmante esthétique spiralaire, à laquelle une marmelade de yuzu donne un sacré coup de fouet. Enfin, impossible d’oublier les noces royales de la puissance et de la délicatesse avec sa majesté le lièvre – issu de la chasse locale, il va sans dire –, qui se marie avec les réminiscences châtaignées d’une compression de patates douces. Que ce soit sous l’iconique verrière ou sur une des plus belles terrasses de la cité, les beaux jours venus, on quitte cette “maisonnette des paysans” joliment grisé. Et le vin n’y est pas pour l’essentiel…
Le Buerehiesel est situé dans le Parc de l’Orangerie (Strasbourg). Ouvert du mardi midi au samedi. Menus de 49 à 129 €