L’art de bâtir, entre Artistes et Architectes

© Florian Graf

À Saint-Louis, la Fondation Fernet-Branca explore les relations foisonnantes entre Artistes – Architectes.

La question de savoir si les architectes sont des artistes est un serpent de mer depuis la fin de la Première Guerre mondiale et les grandes heures du Bauhaus. Il aura fallu attendre 2015, pour que le jury du prestigieux Turner Prize tranche définitivement la question en décernant son prix d’art contemporain au cabinet anglais Assemble pour le projet de réhabilitation d’un quartier de Liverpool. Galeries d’art et musées ont accompagné le mouvement, ouvrant leurs espaces aux dessins, collages et autres maquettes d’architectes ayant aussi développé une substantielle oeuvre de plasticiens (qu’on pense au duo belge Kersten Geers et David Van Severen ou aux sculptures de Mauricio Pezo et Sofia von Ellrichshausen). Avec Artistes – Architectes, la Fondation Fernet-Branca s’attache à présenter les relations entre les deux univers et l’implication des artistes dans des projets de construction. Le parcours s’ouvre ainsi sur les réalisations d’un bâtisseur connu autant pour la puissance expressive de ses projets (le MuCEM de Marseille, le Mémorial de Rivesaltes ou le Pavillon Noir d’Aix-en- Provence) que pour sa gouaille et ses saillies contre les dérives ”minimalistes” qui transforment selon lui nos villes en des mondes sans récit.

 

Remettant sans cesse en cause l’autorité symbolique de l’architecture, le poète bétonneur Rudy Ricciotti favorise dans son travail les collaborations avec les artistes. À Saint-Étienne, il reprend sur les façades de la Maison de l’Emploi (2011) le motif du haricot cher au peintre Claude Viallat. Pour le Centre culturel Aimé Césaire de Gennevilliers (2013), il imagine avec Hervé Di Rosa un prisme irrégulier de béton blanc évidé, dont les ouvertures sont un hommage direct aux toiles lacérées de Lucio Fontana – quel tour de force ! Mais Ricciotti n’est pas le seul à croire encore que l’architecture est un moyen de transformer le réel. Célèbre en Suisse pour ses Pagodes à billets transposant en plein stade de Lausanne le monde merveilleux d’Alice et Gulliver réunis, le plasticien bâlois Florian Graf se joue, dans chacune de ses oeuvres, de nos perceptions de l’espace comme de ses impacts sur nos corps et nos vies. Plus loin, ce sont les photographies des anciens abattoirs de Casablanca ou de l’usine Opel de Rüsselsheim, investis à la peinture par Georges Rousse pour créer d’étranges anamorphoses à l’esprit fauve, qui saisissent le visiteur. Et puis, il y a aussi l’insolite série de plans des Maisons qui meurent de Christophe Berdaguer et Marie Préjus, la double peau tissée par Maryam Ashford Brown sur les façades du siège social de Weleda, ou encore le diaporama des réalisations du génial Jean-Michel Wilmotte, celui-là même qui transforma l’ancienne distillerie Fernet- Branca en lieu d’art contemporain. On ne saurait mieux boucler la boucle !


À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis) jusqu’au 22 mai
fondationfernet-branca.org

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