Enrico Marini: Sang, Sexe & Urbs
Avec le Livre VI des Aigles de Rome, Enrico Marini réalise de la belle ouvrage : entre luxure à l’antique, intrigue politiques et violence débridée, un très grand cru.
Voilà opus qui était fort attendu, puisque le dernier en date remontait à… novembre 2016. Dans la saga, quelques années ont aussi passé depuis le Livre V qui se déroulait en l’An 9, à la Bataille de Teutobourg où les armées romaines prirent une dégelée face à une alliance de tribus germaines commandées par le chef chérusque Arminius. Ce qui fit dire à Auguste (du moins Suétone le rapporte-t-il) : « Quintili Vare, legiones redde » (Varus, rend moi mes légions). Ce nouvel album (scénarisé et dessiné par Enrico Marini) débute en l’An 14 alors qu’Auguste vient de mourir et qu’une escouade de légionnaires est envoyée sur l’île de Pianosa pour tuer son successeur légitime Agrippa Postumus, qui y est relégué. La scène se déploie sur trois planches splendides condensant l’art de l’auteur italien qui représente l’Antiquité comme nul autre, dans le sillage de Rome, série dark et brillante réalisée par HBO et de Gladiator de Ridley Scott, dont certains cadrages sont clairement inspirés. Les sources sont maîtrisées – de l’Histoire romaine de Velleius Paterculus aux Annales de Tacite – pour composer une “histoire dans l’Histoire”, celle d’un personnage réel, Arminius, le “Vercingétorix allemand” et de Marcus qui furent amis… Lutte pour le pouvoir, complots complexes (mais tout à fait crédibles), combats de gladiateurs (une scène d’action d’anthologie) : l’immersion que propose l’auteur est une absolue réussite. Fluide, son dessin est éblouissant restituant une Rome nimbée d’un puissant érotisme, pleine de luxure et de cruauté, de bruit et de fureur. Il ne s’embarrasse guère de contemporaine moraline bien-pensante Et cela, c’est très réjouissant !
Le Livre VI des Aigles de Rome est paru chez Dargaud (16,95 €)
dargaud.com