Une fois n’est pas coutume, le Musée de la faïence de Sarreguemines accueille une exposition dédiée au verre. Elle retrace, en plus de 300 pièces d’exception, la saga opiniâtre et scintillante de la famille Schneider entre 1913 et 1981.
L’épopée débute une année avant le premier conflit mondial, lorsque Charles et Ernest Schneider reprennent une verrerie située à Épinay-sur-Seine. Les deux frères travaillaient jusque-là dans la prestigieuse maison nancéienne Daum : ils sont les pères d’une étonnante aventure artistico-industrielle dont l’apogée date de 1925, alors que leur société compte plus de 500 employés. Le premier, graveur sur verre et modeleur visionnaire, à la création, le second à la gestion fondent une entreprise emblématique des Années folles à travers deux lignes de produits complémentaires : Schneider et Le Verre Français (plus spécifiquement destinée à l’export). Dans la première se mêlent une maîtrise technique absolue – admiratif, le grand Émile Gallé himself évoquait des « orchidées savamment marquetées » – et une intense créativité inspirée des éléments naturels. Avec des “vases bijoux” graciles et délicats aux pieds noirs, hommage à la tradition vénitienne, éclate une symphonie de couleurs pures qui se superposent et se répondent dans un jeu permanent où le rapport entre transparence et opacité ne cesse de se déployer de manière complexe.
La crise de 1929 frappe durement la verrerie Schneider qui vivote jusqu’à sa disparition, dix ans plus tard… avant de renaître dans les années 1950 avec les deux fils de Charles qui proposent des créations de cristal assez proches de ce que fait Daum, à la même époque. Fin définitive de l’aventure en 1981. Grâce à la passion conjuguée de trois collectionneurs, qui ont rassemblé un impressionnant ensemble dédié à ces Maîtres du verre, voilà une exceptionnelle présentation. Au sein même de l’exposition s’en déroule une autre. Intitulée Harmonie et Chaos, elle est composée de clichés de Tomas Heuer – l’ancien saxophoniste du groupe Bérurier Noir, pour la petite histoire – qui a photographié les créations des verriers au milieu de la nature, où ils puisèrent le suc de leur art. « La magie de cette matière relève aussi de cette réminiscence de la création primaire de la planète, largement récupérée dans toutes les genèses ou mythologies par des divinités et autres demi-dieux qui maîtrisent les volcans ou la foudre et manipulent la matière dans le feu. La fragilité et la musique du verre sont le reflet paradoxal des forces colossales impératives à sa création », explique-t-il.
03 87 98 93 50 – www.sarreguemines-museum.com