En parallèle
Lauréat du prix Imaginales 2009, l’auteur de fantasy Jean-Philippe Jaworski est de retour pour la 13e édition du festival des mondes imaginaires d’Épinal. Rencontre avec un voyageur spatio-temporel.
Vos livres mêlent inspiration historique et récit d’aventures : les romans de cape et d’épée font-ils partie de vos références ? Dans mon enfance, j’ai lu tout le cycle romanesque des mousquetaires de Dumas. Mais mon imaginaire a été moins nourri par le roman que par l’Histoire : passionné par le XVIe siècle, j’ai lu quantité d’ouvrages sur les guerres de religion. Nul besoin de lire du roman de cape et d’épée quand on connaît la vie rocambolesque de Gabriel de Montgommery, le panache sanglant de Jarnac et de Moncontour ou la mort splendide du connétable de Montmorency. Plus tard, des auteurs comme Tolkien m’ont appris qu’on pouvait croiser le mythe et l’épopée avec les conventions du roman moderne. Le drame shakespearien, par sa noirceur, sa complexité, l’entrelacement de la matière historique et du merveilleux, m’a également beaucoup marqué, de même que les nouvelles fantastiques de Borges.
Vous avez créé un jeu de rôle se déroulant pendant les guerres de religion. Votre dernier roman, Même pas mort, se passe à l’époque des Celtes : qu’est-ce que la fantasy apporte à l’Histoire ? Le raisonnement de l’historien est rationnel, étranger aux mentalités des cultures anciennes qu’il étudie. La fantasy, en incorporant une pente merveilleuse au récit, nous rapproche des mentalités de ces sociétés, qui avaient plus tendance à expliquer leur propre histoire par le mythe et le rapport au sacré que par l’enquête critique sur les témoignages du passé. Quant à l’Histoire, elle apporte un immense matériau au récit de fantasy et contribue à son épaisseur et à sa vraisemblance. Pour mon cycle celtique, je m’appuie sur une documentation abondante, fondée sur les progrès récents de l’archéologie, de la linguistique et de l’Histoire des religions, pour essayer de reconstituer une société archaïque plausible. Mais je ne fais pas de l’Histoire : je la pille pour donner de la consistance au récit.
La guerre est au centre de vos livres : y mettez-vous une dimension métaphorique ? La guerre m’intéresse parce qu’elle est un grand théâtre : elle précipite les drames, révèle les tempéraments, produit de la fiction précisément parce qu’elle est si insupportable qu’elle sécrète ses propres mystifications héroïques. Je l’utilise comme un révélateur. La guerre est l’exutoire catastrophique de nos tensions, de nos frustrations et de nos névroses identitaires ; c’est aussi le symbole des mutations brutales de nos sociétés. Mais si j’ai ces significations à l’esprit, elles ne fournissent ni mes sujets, ni mes horizons d’attente. La guerre, à mes yeux, est avant tout le terrain de jeu où évoluent mes personnages de papier.
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