Émilie Capliez revisite Des Femmes qui nagent
Émilie Capliez crée la nouvelle pièce de Pauline Peyrade, Des Femmes qui nagent. Visite au coeur des répétitions, en plein montage de microfictions autour de figures féminines où le cinéma percute le théâtre.
Il y a Betty, Rita, Diane Selwyn. Une femme amnésique, une brune, une comédienne rousse et une autre qui rêve de le devenir. Un producteur endetté et un cowboy menaçant. Un rêve et une plongée dans l’inconscient, le royaume des fantasmes brumeux. Une clé bleue et le club Silencio. L’intrigue de Mulholland Drive est portée tambour battant par la seule comédienne Alma Palacios, bouillonnant sous les assauts de réel trouble du chef-d’œuvre de David Lynch. Dans une lumière mêlant pénombre et apparitions fugaces de tableaux vivants (une chanteuse, une femme à bout de nerfs…), la langue de Pauline Peyrade tourbillonne sur une musique atmosphérique. À deux semaines de la première, cette scène occupe l’équipe, en quête de rythme et de calages au cordeau. L’ambition de ce fragment résume à lui seul celui Des Femmes qui nagent. Pour Émilie Capliez, il s’agit de « prendre nos armes à nous pour recréer les sensations du cinéma, mais sans aller chercher celles du 7e art pour en faire au théâtre. D’autres le font très bien, c’est leur endroit de travail, pas le mien : j’aime que ça transpire, que ça parle fort, la magie du plateau… »
Pas question de révéler le décor – inspiré d’un tableau d’Hopper – qui sert d’écrin à la seconde partie de la pièce, prenant la forme d’une nouvelle autour des pensées d’une ouvreuse. Une seule chose est sûre, l’espace de projection des fictions proposées par l’autrice ne sera pas nourri de film. « La vidéo n’est qu’un support de lettrage (sous-titres, clin d’œil aux génériques) dans des lieux énigmatiques pouvant accueillir des formes de narration hétérogènes, loin d’être traditionnelles : texte fragmentaire, travail de montage, etc. Comme une visite de maison dans laquelle, à chaque ouverture de porte, nous tombons sur une situation avec une femme, une histoire du cinéma, une évocation plus ou moins visible d’une scène iconique. » Elle se méfie de deux écueils : faire un spectacle pour cinéphiles ou un pour actrices. « Pour parler du monde, des femmes, des hommes, il nous fallait flouter les références trop évidentes. » Laisser de la place au surgissement d’images qui enferment et d’autres qui libèrent.
La metteuse en scène se tient sur un seuil avec ses quatre comédiennes de générations différentes (de la vingtaine à la soixantaine), face au vertige de jouer des actrices, des personnages et… elles-mêmes. Ensemble, elles évoquent l’héritage, l’exploration de la représentation du corps féminin, la mémoire collective. « L’idée de sororité y est très puissante, comme la choralité. J’aime observer comment elles se jettent dans les accumulations d’images précises, intimes et brutales convoquées par Pauline, sous le regard les unes des autres. Et de voir comment elles s’aident, désorientées, se sauvent d’une situation, trouvent la force d’en découdre… »
À La Comédie de Colmar jusqu’au 7 février, puis au Théâtre Gérard Philipe (Saint-Denis) du 8 au 19 mars et à La Comédie de Reims du 19 au 21 avril
comedie-colmar.com – lacomediedereims.fr
tgp.theatregerardphilipe.com
> Folle Journée, samedi 4 février, à La Comédie de Colmar, avec notamment visite guidée de l’exposition Fabienne Verdier au Musée Unterlinden (14h), tea time avec Pauline Peyrade (16h30), représentation Des Femmes qui nagent (18h) et concert folk de Laura Cahen (21h) pour son second album
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