Écrits et châtiments

Photo de répétition de Gilles Abegg / Opéra de Dijon

Présenté en création mondiale à Dijon, Les Châtiments de Brice Pauset est un opéra fondé sur trois textes de Kafka.

La résidence au long cours de Brice Pauset à l’Opéra de Dijon s’achève avec un opéra, première pièce « d’une constellation de six évoquant des événements ou des idéologies du XXe siècle ayant contribué à façonner notre époque », affirme le compositeur quinquagénaire. Il s’est plongé dans l’œuvre de Kafka, ce « prophète qui ne savait pas ce qu’il prophétisait, comme le décrivait Walter Benjamin », utilisant trois nouvelles fulgurantes, Le Verdict, La Métamorphose et Dans La Colonie pénitentiaire. Leur auteur avait souhaité les réunir sous le titre de La Trilogie des Châtiments : « Je me suis aperçu qu’elle entrait en résonance avec deux types de préoccupations éminemment actuelles : la présence au pouvoir d’une génération prête à sacrifier la suivante pour maintenir son style de vie dans les deux premier textes et l’existence d’un État tout puissant qui perd la boule dans le dernier. »

Photo de répétition de Gilles Abegg / Opéra de Dijon

Dans son opéra, le compositeur installé à Fribourg-en-Brisgau a conservé la langue de Kafka, « cet allemand qu’on parlait à Prague, si particulier, utilisant beaucoup de petits mots ne servant pas à grand-chose, si ce n’est à créer une scansion très régulière, un peu monocorde et mécanique » qui se prête particulièrement bien au récitatif. Le débit rythmique des chanteurs s’approche ici de la voix parlée, dans un étonnant retour aux sources, puisqu’il est difficile de ne pas penser à Monteverdi. L’orchestre, lui, est ample, « brucknérien. Ce qui m’intéressait était de pousser tous les curseurs au maximum, de passer de déferlements sonores spectaculaires à la plus grande intimité, aller des bruissements des cuivres – avec huit cors – à leur explosion solaire. »

Dans l’œuvre, se déploie le versant comique de Kafka qu’une certaine exégèse française, « avec les textes d’Alexandre Vialatte ou de Marthe Robert, a occulté au profit des aspects métaphysiques, dramatiques ou existentiels », résume Brice Pauset. Au plateau, c’est « cette coexistence du burlesque le plus outré et du désespoir prophétique que nous voudrions faire exister », affirme le metteur en scène David Lescot. La transformation de Gregor Samsa prend ainsi « l’apparence terrifiante d’un corps soumis à des mutations, celles causées par des radiations. On songe aux conséquences de tel désastre sanitaire ou industriel de l’époque contemporaine. La machine de La Colonie pénitentiaire, loin de rester invisible comme lors de certaines adaptations est ici exhibée, exposée. C’est son fonctionnement qui produit l’effet d’attente et la catastrophe. Pour représenter Kafka, je crois qu’il faut être littéral, montrer les choses, non pas essayer de les abstraire ou de les occulter », conclut-il.

Photo de répétition de Gilles Abegg / Opéra de Dijon

À l’Opéra de Dijon, du 12 au 16 février
opera-dijon.fr

Rencontre avec les artistes à l’issue de la représentation du 16/02

Pour les plus jeunes est organisé un atelier de création d’instruments de musique contemporaine (08/02, dès 6 ans) ainsi qu’un atelier d’arts visuels autour des Châtiments (16/02, pendant la représentation)

Brice Pauset interprète les Variations Goldberg de Bach (16/06)

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