Les quatre élèves metteurs en scène des groupes 46 et 47 de l’École supérieure d’Art dramatique du Théâtre national de Strasbourg montent La Taïga court de Sonia Chiambretto. Plongée dans leurs visions parallèles.
Depuis quelques années l’exercice de style s’est imposé à tous les étudiants de 3e et dernière année de l’École du TNS : plancher sur une même pièce imposée, avec des moyens équivalents pour jeter un geste artistique fort à la face du public. Familière de la maison pour laquelle elle avait composé avec Yoann Thommerel, un poétique et dramatico-futuriste Questionnaire TNS 2068, Sonia Chiambretto a accepté de compléter le texte que lui avait commandé le chorégraphe Rachid Ouramdane pour Sfumato, il y a une dizaine d’années. Une pièce hybride, faite de collages épars alternant récit de catastrophes en cours, prose poétique et vrai-faux recueil de témoignages en Chine, à la recherche « d’éco-réfugiés, de déplacés et de réfugiés climatiques » introuvables.
La réalité du dérèglement généralisé du globe a rattrapé La Taïga court, son interrogation sur « comment créer des abris dans les ruines ? » mais aussi la manière de sublimer le chagrin qui nous étreint. Dans Image(s) de Terre, Mathilde Waeber défie la sidération paralysante du constat post-apocalyptique. Elle a conçu avec le scénographe Constant Chiassai-Polin un espace de contemplation.
Deux actrices et deux acteurs participent à la création d’une architecture naturelle, évoluant selon un principe de destruction. Leur présence performative, évoquant les absents, traverse les personnages comme des motifs qui débouchent sur une choralité. Du haut de leur promontoire, ils manipulent des dizaines de briques et de la glaise sous une sculpture de métal formant un ciel mouvant tandis qu’un rideau de pluie déverse des torrents d’eau. Ivan Màrquez compose pour sa part un Anti-atlas, collection d’histoires, de lieux, de paysages et de données. Formé à l’urbanisme, il explore l’espace d’une carte au plateau, composant d’après le texte de l’autrice une partition visuelle à grand renfort de liège concassé. Devant une structure d’échafaudage, trépieds, caméras et écrans permettent un travail autour des limites de l’incarnation physique, de la frustration comme du fourmillement de détails. Plus intimiste se veut la première cérémonie imaginée par Antoine Hespel qui installe le public dans des canapés face à une MC. « Je joue sur la position d’occidental contemplant les événements dans son confort intérieur que nous allons bouleverser », affirme-t-il.
Face à lui, une paroi de métal de 4 mètres sur 9, transpercée à la manière d’un voile de tulle. Comme une épée de Damoclès nous menaçant, ce mur sert autant d’écran que de frontière propre à la disparition ou à l’envahissement. Enfin, Timothée Israël s’est demandé ce qu’il avait « besoin de voir pour entrer en tension avec son époque » dans Bleu Béton. Au-dessus d’un îlot central à la lumière zénithale, plane, suspendu et menaçant, un monolithe évoque la collapsologie et la solitude face aux peurs qui nous assaillent, dans la recherche d’un « décrochage par l’émotion et la sensation chez le spectateur. »
Au Théâtre national de Strasbourg du 4 au 9 novembre
tns.fr
> Anti-atlas d’Ivan Màrquez, salle Jelinek au TNS, vendredi, mardi et
mercredi (19h), samedi (12h & 19h), dimanche (12h & 17h)
> Image(s) de Terre de Mathilde Waeber, salle Gignoux au TNS,
vendredi, samedi, mardi et mercredi (21h), dimanche (15h)
> première cérémonie d’Antoine Hespel, studio Jean-Pierre Vincent à
l’Espace Grüber, vendredi, mardi et mercredi (12h30 & 19h), samedi
(12h et 16h30) et dimanche (12h & 17h)
> Bleu Béton de Timothée Israël, hall Grüber, vendredi, mardi et
mercredi (21h), samedi (14h30) et dimanche (15h)