Éblouissements
Dirigé par l’inoxydable Eliahu Inbal, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg propose un programme Mahler / Beethoven, un excitant parcours du rire aux larmes, entre crépitements joyeux et insondable abattement.
Âgé de près de 80 ans, Eliahu Inbal est aujourd’hui une légende de la direction d’orchestre : il a traversé les années, s’imposant comme un des meilleurs interprètes du corpus brucknérien et mahlérien. Ses intégrales symphoniques dédiées aux deux compositeurs sont considérées comme des références. Le retrouver à Strasbourg, où il avait dirigé un cycle Mahler se déployant sur plusieurs saisons au mitan des années 1970, est ainsi un véritable événement. D’autant qu’il a choisi de donner sa Symphonie n°5 dont l’Adagietto a été rendu mondialement célèbre par Luchino Visconti qui l’utilisa dans la bande originale de Mort à Venise. Si on souhaite mieux comprendre l’essence de cette page, il faut remonter à sa genèse, en 1901, et à deux événements se déroulant pendant son écriture : le compositeur échappe de peu à la mort suite à une hémorragie intestinale et rencontre ensuite Alma Schindler au cours d’un dîner. Le coup de foudre est réciproque. Habité par l’obsession de la mort et animé par la joie d’être encore vivant et d’aimer à la folie, il achève de manière lumineuse cette symphonie qui s’ouvre par une lugubre marche funèbre. Mahler y renouvelle aussi son art de la composition, allant vers une modernité qui ne fut pas comprise. Le critique Robert Hirschfeld écrivait ainsi, à propos des quelques Viennois qui applaudirent à l’exécution d’une page novatrice, en 1904 : « Non contents de s’intéresser aux anomalies de la nature, ils n’ont plus maintenant d’oreilles que pour les anomalies de l’esprit. »
Également au programme, le Concerto pour piano et orchestre n°2 de Beethoven sera interprété par Cédric Tiberghien, artiste en résidence à l’OPS cette saison. Pianiste radieux à la technique heureuse et inspirée, on compte sur lui pour rendre justice à une œuvre trop souvent éclipsée par d’autres concertos du “maître de Bonn”, « alors que l’écriture y est pleine de folie et de brio. On découvre un autre Beethoven, assez éloigné des adjectifs qu’on lui accole souvent – majestueux ou héroïque –, un Beethoven truculent qui fait preuve d’une virtuosité ébouriffante », affirme-t-il.
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