Du racine et des vers
Olivier Chapelet met en scène un classique du répertoire où Titus fait passer ses responsabilités d’empereur avant ses sentiments pour Bérénice. Une tragédie de Racine traitée dans une épure permettant « de servir la force de l’émotion » et d’appuyer des « vers bouleversants ».
À quelques semaines des premières répétitions, nous questionnons Olivier Chapelet (metteur en scène de la compagnie OC&CO, il est également directeur des Taps) quant au choix de Bérénice. Il s’empare d’emblée de l’ouvrage et se lance dans la lecture du quatrième acte de la pièce, « au moment où elle glisse vers l’apothéose », habité par le récit : « Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?C’est un joyau d’écriture poétique », s’exclame-t-il. L’histoire ? Celle de l’empereur romain Titus renonçant à son mariage avec la reine de Palestine, cette union étant désapprouvée par le Sénat. Lâche, il délègue Antiochus, secrètement amoureux de Bérénice, pour annoncer la nouvelle à sa promise. À l’époque, Racine fut critiqué pour ce spectacle où ne coulent que des larmes et pas une seule goutte de sang, un comble pour un drame… dont l’intrigue est mince de surcroit. Olivier Chapelet se fait l’avocat d’un texte « très dense et traversant le temps. C’est ce qui fait les grandes œuvres : elles parlent des choses qui nous fondent, qu’on soit du XVIIe ou du XXIe siècle. Il est question de sentiment amoureux, de la responsabilité de l’individu face à son propre destin, des doutes qui nous tiraillent ou même des problèmes liés à la couleur de peau.C’est une tragédie de la pensée et notre rôle est de la rendre palpable, avec souffle et retenue. »
Sa version de Bérénice sera présentée dans une grande économie de gestes et de moyens. Selon lui, « plus on surcharge de signes, moins on laisse de place à l’imaginaire du spectateur ». Ainsi, le scénographe, le costumier, l’éclairagiste et le musicien travaillent à la création « d’un paysage très sobre, soulignant le jeu des comédiens. Le théâtre est avant tout un verbe porté, sans artifices, par des interprètes. Grâce à la vigueur, l’entraînement, la technique, l’adresse et la passion, ceux-ci vont rendre le sens des alexandrins le plus clair possible, tout en respectant le rythme du texte. » Le metteur en scène, tel un coach sportif, s’apprête à demander à ses acteurs de faire « des tours de piste » afin « qu’ils le sentent dans les pattes ! Dans chaque scène, il y a un dilemme à résoudre avec urgence : il engage le corps, l’être dans son ensemble. Pour rendre l’enjeu concret, le comédien doit avoir de l’énergie en lui. Il faut mettre du charbon dans la machine. »
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