Douce France
À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Max Slevogt, la Moderne Galerie de Sarrebruck explore les liens avec la France d’une gure de l’impressionnisme allemand. Ses tableaux rencontrent ceux de Cézanne, Delacroix, Manet, Courbet…
Mettre en perspective l’œuvre de Max Slevogt (1868-1932) avec des artistes français qui le marquèrent tout au long de son existence. Tel est l’angle choisi par Kathrin Elvers-Švamberk, commissaire d’une exposition regroupant quelque 190 toiles, dessins et gravures. Elle s’ouvre symboliquement par un autoportrait du peintre devant un tableau où Judith range dans son fourreau l’épée sanglante qui a tranché la tête d’Holopherne. Une composition rappelant le célèbre Portrait de Zacharie Astruc de Manet qu’il admire. « J’ai trouvé en lui ce qui fait le monde si beau », affirmait celui qui a découvert ses toiles au cours de son semestre d’études à l’Académie Julian en 1889. Construite thématiquement, cette présentation illustre les parallèles existants entre la scène artistique française et l’impressionniste allemand. En comparant, par exemple, sa Femme rousse avec le Portrait de Pierre Dupont de Courbet, il est aisé de constater une commune utilisation du couteau pour directement appliquer des empâtements de couleur conférant à la représentation un aspect mystérieux.
Au fil des neuf sections (Portrait, Fascination pour l’Orient ou encore la plus importante
dédiée au Paysage), s’installe un étonnant dialogue où se manifeste une parenté de sujets, de cadrages ou encore d’atmosphères. Placées côte à côte, l’orgie tricolore peinte par Manet en 1878 pour l’exposition universelle (La Rue Mosnier aux drapeaux qui appartint à la collection personnelle de Slevogt) entre en résonance avec Unter den Linden : en 1913, le peintre donne à voir l’avenue berlinoise pavoisée, où un immense étendard prussien (noir, blanc, rouge) évoque curieusement le drapeau français tant son noir tire sur le bleu ! Un résumé symbolique d’une exposition invitant à un permanent jeu d’échos entre Slevogt et Toulouse-Lautrec – avec des portraits de la chanteuse Yvette Guilbert, sensuelle sur scène avec ses longs gants noirs –, Monet dont les Nymphéas irriguent une représentation de papyrus, Van Gogh (avec un incroyable Champ de coquelicots de 1890) ou encore Delacroix. La confrontation de sa toile représentant une femme mordue par un tigre (1856) avec un tableau de Slevogt au sujet identique (1917) condense l’esprit de l’exposition où l’on comprend que tout un pan de l’art français s’est sédimenté dans le cerveau et le regard du peintre allemand qui en restitue l’esprit, y apportant une touche éminemment personnelle.
À la Moderne Galerie (Sarrebruck), jusqu’au 13 janvier 2019
modernegalerie.org
kulturbesitz.de
Visites guidées en français un samedi sur deux à 16h