D’Aquanaute à Nautilus, deux EPs sortis coup sur coup, le rappeur Dinos peaufine sa plume et poursuit sa route hors des sentiers battus du mainstream.
Il est né au Cameroun mais a grandi à la Cité des 4 000 dans le 93. Biberonné aux albums de Booba et Jay-Z, Jules Jomby (alias Dinos) charbonne depuis une dizaine d’années sur des raps un peu à l’ancienne, ambiance Seine-Saint-Denis des années 1990. Loin des propositions dominantes d’un genre musical devenu mainstream et auquel on reproche d’être aujourd’hui trop calibré pour les hits – entre pop urbaine, gangsta et rythmes zumba –, son disque de 2020 Stamina et ses récents EPs Aquanaute et Nautilus détonnent. Le fil rouge du travail mené par ce grand gaillard facétieux : faire simple, vrai, concis et surtout bien écrit. Avec ses textes hyper-référencés et inventifs, qui tantôt bouleversent, tantôt, font l’effet d’une claque, Dinos s’inscrit dans une veine à la fois érudite et authentique du rap. Long de quatre minutes, son titre 93 mesures est déjà considéré par certains comme un classique du genre. Au son épuré du piano de Sofiane Pamart, il y égrène les confessions sur la vie des quartiers, les violences policières, le rapport à la religion, l’amour, l’argent ou les outrages du temps. L’une de ses punchlines devient slogan des manifestations de novembre 2020 dénonçant le passage à tabac de Michel Zecler par des gardiens de la paix : « Un peu innocent, un peu coupable / Chaque contrôle de police me rapproche de mon feat avec 2Pac. »
Mais il n’y a pas que les écrits de Dinos qui ont du sens. L’artiste, véritable encyclopédie du rap, ne choisit aucune de ses collaborations au hasard, encore moins au gré du nombre d’écoutes sur les plateformes de streaming. Battle de haut vol avec Nekfeu (Moins un), incursion futuriste dans l’univers singulier de Laylow (Ciel pleure), ou bien encore duo en forme d’hommage au mythique et indépassable Le Crime paie avec Ali des Lunatic (Équilibre)… Pour les nostalgiques de l’âge d’or du hip-hop, le natif de Douala fait partie de ceux qui – devenus trop rares aujourd’hui ! – font la passerelle entre les générations. Il « rappe pour les p’tits qui connaissent pas les Fugees », ni les Lino, Kool Shen et autres Nessbeal. Tout en gardant la fraîcheur de l’époque actuelle, comme sur Moins d’égo avec Josman, jeune loup virtuose des rimes et du flow. Entre consistance textuelle et accroches poétiques, romantisme mélancolique et distance critique vis-à-vis des codes masculinistes des cités, Dinos s’installe comme une valeur sûre du rap français. Sans pour autant prendre la grosse tête, ni se départir d’un certain humour : « Putain d’clichés, j’nourris ces putains d’clichés / J’suis dans le Q5, mon téléphone sonne encore, putain, qui c’est ? » (Hamsterdam).
À La Laiterie (Strasbourg) jeudi 26 mai
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Édité par Universal Music
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