Dans Désordre, Merwan (textes et dessins), brosse le portrait de toute une génération à travers les trajectoires croisées de trois jeunes filles âgées d’une vingtaine d’années.
Cette phrase de Paul Nizan est bien connue : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». Elle s’adapte parfaitement à l’état d’esprit des protagonistes de cette nouvelle série, Le Bel âge, dont le tome 1 vient de paraître. Elles sont trois filles. Elles ont vingt ans et des brouettes et errent dans cette zone improbable entre l’adolescence et l’âge adulte. Elles se prénomment Violette, Lila et Hélène et ne se connaissent pas. Leur seul point commun ? Être un peu perdues dans l’existence, ne pas savoir de quoi demain sera fait, ne pas être sûres de ce quelles veulent au plus profond d’elles-mêmes. Dans ce premier volume, très habilement, Merwan suit leurs trajectoires parallèles dans une véritable “bande dessinée d’apprentissage”.
La première, Violette, est en plein flottement : elle laisse son existence filer mollement entre ses doigts, plaquant son petit ami, mais se demandant, une angoisse existentielle au ventre : « Putain, qu’est-ce que je vais devenir ». Elle attend ensuite son appel, vivant chez ses parents et bossant à mi-temps. La deuxième, Lila, s’invente une vie… et rate tout. Même le nom par lequel elle se fait appeler est bidon, puisqu’en vérité, elle s’appelle Leïla. La dernière, Hélène vit avec son mec et fait sa thèse. Équilibrée ? Pas vraiment, puisqu’elle semble s’obstiner dans une réalité de plus en plus évanescente, fumant quelques pétards pour tenir le coup.
Au fil d’un l’album dessiné avec délicatesse, les destinées douces-amères des trois filles se rapprochent jusqu’à leur rencontre, à la dernière planche. Ce Bel âge, BD chorale pleine de finesse – qui fait parfois penser au très beau film de Pascale Ferran, L’Âge des possibles sorti en 1995 – s’ouvrira-t-il, dans le deuxième tome, sur des instants heureux, laissant la mélancolie qui baigne ces 72 pages sur le bord du quai ? On ne peut que l’espérer…
