Derrière la porte sombre

Nina Stemme © Tanja Niemann

Pour sa rentrée, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg propose, dans le cadre du festival Musica, une version concertante d’anthologie du Château de Barbe-Bleue, unique opéra de Bartók.

Marko Letonja a construit ce programme comme s’il imaginait un voyage intérieur, ouvrant la soirée avec une œuvre récente de Pascal Dusapin, Morning in Long Island (2010). Dans cette page atmosphérique le compositeur natif de Nancy plonge l’auditeur au cœur d’un pénétrant paysage sonore, comme s’il proposait une errance dans une zone improbable, située entre un matin mouillé marqué par des promesses solaires sur une plage de la côte Est des États-Unis et la plongée dans son esprit. Entre sensations et réminiscences… Quant à Bartók, avec son unique opéra, il nous entraîne, selon le directeur musical de l’OPS, « dans son “château intérieur”. Les couleurs de ces deux excursions sont cependant bien différentes : la lumière naissante de l’aube pour l’une et la profondeur de l’obscurité pour l’autre. »

Écrit en 1911, Le Château de Barbe-Bleue est une partition plongée dans le tourbillon de la modernité qui « s’éloigne du postromantisme germanique pour aller vers Debussy et Liszt, faisant une synthèse géniale de l’impressionnisme et de l’expressionnisme avec des couleurs extraordinaires et variées. Derrière chaque porte qu’ouvre Judith, se trouve en effet un univers sonore autonome et original. » L’histoire est bien connue : tirée du conte de Perrault, elle est celle d’une femme, débarquant dans la forteresse de son nouveau mari, Barbe-Bleue, dont elle est la quatrième épouse. Elle souhaite ouvrir les sept portes de l’immense salle centrale d’une demeure plongée dans l’obscurité. Le duc accepte par amour et l’on sait ce qu’elle trouvera derrière la septième, la seule qu’elle n’avait pas le droit d’ouvrir. Dans une atmosphère musicale où fusionnent influences tirées de Pelléas et Mélisande de Debussy – les deux opéras entretenant une étrange parenté – et sonorités venues de musiques folkloriques d’Europe centrale se déploient les charmes d’une œuvre chantée par deux interprètes exceptionnels, à Strasbourg. On retrouve en effet la basse allemande Franz Hawlata et la soprano suédoise Nina Stemme. Wagnérienne au sommet de son art, celle qui est incontestablement la plus grande Isolde de la planète, fera ses débuts dans Le Château de Barbe-Bleue. Découvrir cette voix irradiante, puissante et solaire dans le rôle de Judith est un événement en soi.

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, mercredi 8 et jeudi 9 octobre

03 69 06 37 06 – www.philharmonique.strasbourg.eu

03 88 23 47 23 – www.festivalmusica.org

 

vous pourriez aussi aimer