Dernière danse

Le danseur et chorégraphe Sylvain Huc propose deux versions du Petit chaperon rouge à Strasbourg : l’une, pour enfants, allusive et dansée, l’autre, pour adultes, pleine de bestialité et de souillure trash qui a retenue notre attention. Welcome to the cruel world.

© Erik Damiano / lepetitcowboy.com

S’attaquer à l’un des contes européens les plus populaires n’est pas chose aisée. La Compagnie Divergences menée par Sylvain Huc relève doublement le défi en proposant en sus d’une version pour bambins, une âpre plongée dans les pulsions archaïques du conte originel : contrairement à la version consensuelle des frères Grimm, il n’y a ici ni chasseur sauvant la jeune fille et sa grand-mère pour un happy end, ni expurgions psychanalytiques bienséantes. C’est à un carnage que nous sommes conviés, dont ne subsistent que des morceaux de barbaque rouge au sol et un joli chaperon rouge à deux doigts de sauter dans le lit d’un méchant loup bestialement attirant. Écorchant le conte jusqu’à la moelle pour n’en garder que les figures sanguinolentes et les spasmes sous-jacents souillant toute innocence passée, le chorégraphe trouble les rôles en présentant une jeune femme dominatrice, leader d’un groupe de musique en arrière scène. Une sorte de Courtney Love menant à la baguette un homme servile qui finira par se lasser de répondre à l’invective et aux ordres. Le loup n’est pas chien. Il se nourrit de chair. Ne reconnaît aucun maître.

 

© Erik Damiano / lepetitcowboy.com

Sur un rock profond et rocailleux, strident de guitares électriques saturées, la danse endiablée qui se crée entre la belle et la bête se fait charnelle et passionnelle. Les mouvements en miroir d’une intensité orgiaque emportent tout sur leur passage. Bras et jambes portent les traces indélébiles du sang appelé à se répandre. L’on tourne implacablement autour d’un crime qui ne nous sera fort habilement jamais montré sans que l’on puisse toutefois douter de sa réalisation à venir, ou passée. La lumière participe de l’étrangeté symbolique du conte, dessinant l’embrasure d’une porte en direction du corps inerte du chaperon rouge qui, lentement, se remplit d’une ombre inquiétante. La domination du loup s’impose, jouant longuement avec sa proie qu’il soulève et déplace comme un pantin avant de la faire retomber lourdement au sol. Seuls les éclats de rires de la victime troubleront le jeu, provocation désespérée en écho au regard fou et au sourire carnassier d’autant plus inquiétant du prédateur, sûr de son fait et de sa puissance. Longue sera l’agonie, pavée de soubresauts nerveux, de mouvements saccadés tel un automate détraqué, avant une toute dernière danse…

 

Le Petit chaperon rouge (dès 7 ans), à Pôle Sud (Strasbourg), du 3 au 5 février03 88 39 23 40 – www.pole-sud.fr
Rotkäppchen (pour adultes), à Pôle Sud (Strasbourg), jeudi 7 février
03 88 39 23 40 – www.pole-sud.fr
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