Les enfants perdus
Le collectif Corpus Urbain s’empare de Débris, huis clos acerbe de Dennis Kelly où un frère et une sœur racontent leur enfance entre violence et chaos des liens familiaux. Interview à trois voix avec Chloé Porée, Laurie Waldung et Jimmy Lemos.
Vous aviez déjà créé une pièce de Dennis Kelly, Orphelin, également un huis clos familial. Pourquoi poursuivre avec Débris ?
Son écriture nous touche particulièrement, comme la thématique de la famille, nous qui avons aussi travaillé sur Eldorado de Mayenburg. Débris est construite de manière étrange. Comme rarement au théâtre, la narration est un puzzle. On commence par la fin et toute la pièce nous permet d’avancer et d’éclairer son début, avec un suspense tenant en haleine. Le texte est à la fois très dur et extrêmement drôle dans son trop plein qui provoque un rire salvateur.
Comment jouer des scènes horribles comme la mort d’une mère enceinte étouffée par un os de poulet ou la crucifixion de son père ?
Nous avons mis beaucoup de temps à décortiquer tout cela pour trouver le juste équilibre entre le tragique des horreurs de cette histoire et l’humour qu’elle contient et qu’il faut faire passer. Les deux écueils étaient de tomber dans le pathos ou le burlesque. Michael et Michelle reviennent sur leur enfance et jouent chacun des autres personnages. C’est là, lorsqu’ils incarnent les fantômes de leurs souvenirs, que nous les dessinons fortement, et penchons vers le burlesque. En l’absence de didascalies, nous avons choisi d’en faire deux adolescents. Leur naïveté renforce parfois l’humour des situations, notamment lorsque certains des personnages qu’ils évoquent et qui leur ont fait du mal sont présentés comme des sauveurs !
Pour vous, ils fantasment ce passé, cauchemardent ou le convoquent dans une forme de catharsis ?
Ils sont en quête de sens, ici et maintenant, se demandant comment ils en sont arrivés là. Leur réflexion s’énonce dans l’instant de sa naissance. Nous sommes ainsi dans le vrai de la découverte des émotions qu’ils ressentent et vivent, d’autant que nous sommes volontairement très proches du public.
Vous souhaitiez les placer dans une boîte blanche saturée d’images. Qu’en est-il au final ?
Nous avons conservé l’idée d’un cube blanc, percé de découpes latérales. Débris est quadrillé par une multitude d’écrans dont certains ont été comme enlevés. Les projections vidéo agissent comme le troisième personnage. La télé permet de revoir certaines scènes de leur passé comme de constater à quel point la publicité leur mange littéralement le cerveau avec ses fausses images de famille heureuse faites pour leur vendre du jambon ! La pub est ainsi utilisée pour retranscrire ce qui se passe en eux, comme un virus parasitant leur mémoire.
À La Comédie de Reims, du 16 au 24 novembre
lacomediedereims.fr
Au Nouveau Relax (Chaumont), jeudi 7 février 2019
lenouveaurelax.fr