De l’autre côté du miroir

© Li Xiao Hui

La Chine serait-elle devenue le Pays des Merveilles ? C’est en tout cas dans ce nouveau centre du monde que Fabrice Melquiot installe son Alice. À mille lieues de l’imagerie traditionnelle, il invente un poème visuel mis en acrobaties par le Nouveau Cirque national de Chine. Étourdissant !

Cinéma, opéra, chanson, manga et jeux vidéo… L’histoire d’Alice a été mise à toutes les sauces depuis sa création par Lewis Carroll, en 1865. « Tout le monde la connaît et en possède au moins une représentation, une idée », estime Fabrice Melquiot. Et même si personne n’est vraiment capable de résumer ce conte complexe, « chacun en a une impression, une empreinte ». L’idée de l’auteur est donc « moins de raconter son histoire que de donner à voir l’Alice que nous partageons, au temps présent, presque hors du livre ». Pour cela, il fait un pari : celui de traduire en images vivantes les mystères et les jeux du langage labyrinthique de Lewis Carroll. Place au cirque pour visiter le Pays des Merveilles parce qu’il « sait concentrer, dans ses techniques, sa virtuosité magique, les mouvements d’une langue littéraire », explique le dramaturge, en quête des « chemins qui nous mènent d’une poétique à l’autre ».

Mise en scène par Renaud Cohen, grand connaisseur de l’Empire du milieu, cette étonnante transposition du conte est portée à bout de bras par la troupe acrobatique de Tianjin. Car cette nouvelle Alice, après sa chute dans le terrier du Lapin blanc, se retrouve projetée dans une mégapole chinoise du XXIe siècle. Jungle urbaine, foule pressée, néons fluorescents, ambiance électrique, bars, discothèques, casinos… Le voyage initiatique de la fillette vers l’adolescence se fait par un dédale de rues et d’impasses, peuplées de menaces et de tentations. « L’enfance ne se quitte pas sans blessures », glisse Fabrice Melquiot. En seize tableaux, les vingt-cinq artistes du Nouveau Cirque national de Chine racontent ce périple. Aucun des habitants du Pays des Merveilles ne manque à l’appel. Le Chat du Cheshire est là, perché au sommet d’un mât, et offre un spectaculaire numéro de contorsion. Le Roi et la Reine de Cœur apparaissent en chefs de bandes rivales, dans une street battle chorégraphiée façon West Side Story. Le Chapelier fou, le Loir et le Lièvre de Mars font figure de clochards célestes, qui sacrifient la cérémonie du thé pour jongler avec des bouteilles de bière sitôt leur contenu avalé. Numéros de grande illusion et de transformisme, ombres, acrobaties, tissu aérien, échelles : toute la tradition du cirque chinois est ici au service d’une écriture contemporaine, de quoi composer un spectacle inclassable et résolument féerique.

À Sochaux, à la Mals, jeudi 13 décembre
0 805 710 700 – www.mascenenationale.com

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