Dark water
Composé de trois opéras courts de styles très différents reflétant la noirceur de l’âme humaine, Il Trittico de Puccini est mis en scène par Paul-Émile Fourny, à Metz.
En 1918, Giacomo Puccini, au sommet de son art, crée son Trittico fait de trois opéras d’une apparente hétérogénéité. Aucune unité de lieu ni de temps ne rassemble en effet Il Tabarro, se déroulant à Paris autour de 1900, Suor Angelica, dont l’action se passe dans un couvent italien du XVIIe siècle, et Gianni Schicchi, plongée dans le Moyen-Âge florentin. Les partitions sont également très diverses : vériste et tragique en diable pour la première, cinématographico-mystique dans le cas de la seconde et comique tendance burlesque pour la dernière, comme si « le compositeur voulait montrer à ses contemporains l’étendue et la variété de son talent », explique Paul-Émile Fourny pour qui ce brillant exercice de style évoque « les films à sketches italiens comme Tu mi turbi de Roberto Benigni à l’humour grinçant. » Pour le directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, le fil rouge du Triptyque consiste en une « exploration de la nature humaine dans ce qu’elle peut avoir de plus sombre ». Pour manifester ce lien qui irrigue l’œuvre, une étendue d’eau habite le plateau. Elle représente la Seine mortifère où disparaît, assassiné, un des personnages d’Il Tabarro, variation tragique sur l’adultère et une source de mort dans Suor Angelica puisqu’elle lui servira de poison, puis se métamorphose en égout méphitique dans Gianni Schicchi, pièce burlesque en apparence uniquement, ici installée dans le bric-à-brac sordide et souterrain d’un brocanteur. À l’opposé de certaines scénographies pharaoniques – comme celle de Luca Ronconi au Teatro alla Scala de Milan, en 2008, avec son immense statue de la Vierge – Paul-Émile Fourny, qui déteste « se noyer dans des décors grandioses » a privilégié la finesse de la direction d’acteurs afin de disséquer habilement les ressorts les plus intimes de l’opéra. On reconnaît la patte de l’homme de théâtre… N’en reste pas moins que jaillissent, comme bien souvent chez lui, des images saisissantes qui imprègnent longtemps l’esprit du spectateur comme l’apparition de La Zia Principessa, ombre maléfique soutenue par deux cannes possédant la semblance d’une immense et venimeuse araignée.
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Gianni Schicchi est monté avec L’Heure espagnole de Ravel à l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 27 septembre au 6 octobre
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