Dac est en nous
Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, homme de radio, de presse, humoriste et chansonnier, Pierre Dac (1893-1975) est à l’honneur dans la nouvelle création de Fred Cacheux : Le Cabaret Dac, l’humour comme remède à la sottise.
La lumière allumée, deux comédiennes, l’une en tutu rouge et l’autre en M. Loyal débarquent en trombe dans la salle, serrent les mains des spectateurs et s’agitent en tous sens. Le ton est donné, Le Cabaret Dac commence en fanfare. Bercé depuis toujours par le langage extravagant et subversif de Pierre Dac, le metteur en scène Fred Cacheux a voulu « redonner à l’humour ses titres de noblesse » selon le dicton du chansonnier : « Le monde marche à l’envers, or les loufoques voient les choses à l’envers, c’est donc à eux qu’il faut donner le pouvoir, parce que c’est avec eux qu’on remet les choses à l’endroit ! » C’est ainsi que nous sommes conviés par l’ancien membre de la troupe du TNS à rejoindre la Société des Loufoques. Pour Pierre Dac, la loufoquerie est plus qu’un art, elle est art de vivre. À la radio, comme au théâtre, il s’impose et compose, chante, met en scène ses textes d’une drôlerie invraisemblable, truffés de non sens et de jeux de mots absurdes et burlesques.
Dans un univers comique et saugrenu, certains spectateurs sont invités à rejoindre les tables du cabaret autour de la scène. Un clin d’œil à l’humoriste qui avait fait ses débuts à Montmartre, en 1922, à la Vache Enragée. Le cabaret devient ici le moyen d’une rencontre plus familière et intime entre l’auteur, les comédiens et le public, grâce à une porosité entre les espaces où les acteurs dépassent les limites géographiques de jeu et où le spectateur empiète sur la scène. Inspirés des Marx Brothers et du clown Grock, les six interprètes enchaînent les numéros. Cirque musical, mime, chant, karaoké, le metteur en scène veut transmettre toute l’énergie de Dac sur scène : l’occasion de faire (re)découvrir ses inventions, comme Le Fakir Rabindranath Duval, un grand visionnaire indien accompagné de son acolyte fait mine de deviner et dévoiler la personnalité des membres du public. Trois personnages pénètrent ensuite dans les mystérieuses Mines de Rien, où des travailleurs ne cherchent rien et ne trouvent rien. Les acteurs déclament aphorismes et néologismes à grande vitesse en permutant sans cesse les rôles. Tous sont des personnages imaginés par l’humoriste et réinvestis par Fred Cacheux qui les place dans un décor en bois brut, figurant des formes géométriques servant parfois de tables, de chaises, d’ascenseur, de lieu de réunion et qu’ils s’amusent à séparer, imbriquer, retourner, escalader : « Il n’y avait pas la volonté d’une recherche esthétique sur les décors » explique le metteur en scène, « le vrai plongeon dans l’œuvre de Dac consistait à créer un espace à partager, et à mettre le spectateur dans un milieu familier ». Fred Cacheux nous inscrit dans le temps du présent, du spectacle et ainsi de l’éphémère fidèle à l’humoriste qui n’avait recours, pour s’exprimer, qu’aux médias de l’instantané. Les comédiens se mettent à nu, ils dansent et chantent sur des airs populaires et des créations de Pierre Dac, ne craignant jamais d’affirmer le comique généreusement et franchement tout comme le sacré « Roi des Loufoques ».