Couleur, Gloire et Beauté au Musée Unterlinden

Albrecht Dürer (?), Crucifixion Kreuzigung, 1492-1493 © Musée Jeanne d’Aboville, La Fère. Photo : RMN-Grand Palais / Benoît Touchard

Volet colmarien d’un projet tricéphale autour de la peinture germanique entre fin du Moyen-Âge et début de la Renaissance, Couleur, Gloire et Beauté en met plein les yeux.

Tout débute avec l’inventaire, initié en 2019, des peintures germaniques, réalisées entre 1370 et 1550, présentes dans les collections françaises, mené par Isabelle Dubois-Brinkmann, qui vient de prendre la tête des Musées de Mulhouse. De ce travail pharaonique, sont nées trois expositions complémentaires, rassemblant quelque 200 œuvres : à Dijon, est exploré le gothique XVe siècle, tandis que Besançon se concentre sur le XVIe où pointe la Renaissance. Embrassant toute la période, Colmar opère pour sa part un focus sur le Rhin supérieur, installant un lien avec ses riches collections, dont la pièce majeure est le célébrissime Retable d’Issenheim peint par Matthias Grünewald. S’y déploie une partie de cette exposition au titre de soap opéra, Couleur, Gloire et Beauté. Un « clin d’œil au foisonnement des intrigues et des personnages » pour Camille Broucke, directrice du Musée Unterlinden et co-commissaire. Didactique, le parcours est le moyen de mieux connaître matériaux et techniques de l’époque, de comprendre la fonction des peintures religieuses (que ce soit dans un cadre de dévotion privée ou dans les églises et monastères), ou encore de savoir qui étaient les commanditaires d’œuvres comme le Retable de la Passion (1465) de Caspar Isenmann.


Il permet surtout d’admirer l’évolution stylistique à travers des chefs-d’œuvre d’une grande expressivité aux couleurs éclatantes, restaurés avec soin. Les corps des martyrs saignent en abondance et souffrent dans des compositions doloristes altières, afin de provoquer une émotion religieuse chez le spectateur. Les personnages mauvais et mal intentionnés sont d’une laideur repoussante – tarins difformes, yeux chassieux et autres faciès simiesques ou chafouins –, tandis que les saints et les pieux affichent une beauté séraphique. Ainsi, une huile sur bois de tilleul attribuée à Martin Schongauer à l’occasion de cette exposition – ce qui en fait la huitième peinture de sa main identifiée – montre-t-elle une Sainte Marie-Madeleine (vers 1470) pleine de douceur, d’une infinie délicatesse. Autre découverte majeure, une Crucifixion (vers 1492-93) : elle serait une œuvre de jeunesse de Dürer, aux drapés d’une intense élégance. Le visage du Christ rappelle celui de l’icône de la peinture qu’est L’Homme de douleurs conservé à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe. Le parcours s’achève avec Hans Baldung Grien et des compositions imprégnées de maniérisme italien comme ces deux volets d’un retable représentant Saint Georges et Saint Thomas (vers 1528-30), dont la fougue et la puissance semblent être intériorisées.


Au Musée Unterlinden (Colmar) jusqu’au 23 septembre

musee-unterlinden.com

> Dans le même temps se déploient Made in Germany au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et Maîtres et Merveilles au Musée des Beaux-Arts de Dijon

mbaa.besancon.frbeaux-arts.dijon.fr

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