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Avec Cosa Mentale, le Centre Pompidou-Metz met en lumière l’influence de la télépathie sur l’art du XXe siècle marqué par de considérables innovations en matière de communication et découvertes scientifiques. Le rêve des plasticiens ? Une projection directe de la pensée.
En 1895, une invention, mise au point par le physicien Wilhelm Conrad Röntgen, interpelle les esprits et enthousiasme le monde, bien au-delà du cercle scientifique : les rayons X. Les artistes s’interrogent dès lors : si on peut voir à travers le corps, pourquoi ne pourrait-on pas percevoir à travers le cerveau, envisager une radiographie de la boîte crânienne ? Alors que René Blondlot, en 1903, développe des expériences sur les rayons N censés être émis par l’énergie cérébrale, il s’agit pour nombre de plasticiens d’inventer « une nouvelle relation entre le créateur et le regardeur », selon la formule de Pascal Rousseau, commissaire de Cosa Mentale dont le titre fait référence à Leonard de Vinci affirmant que « la peinture est une chose mentale ».
Au cours de l’exposition, on découvre des artistes qui n’auront de cesse de se passionner pour la télépathie (terme apparaissant en 1882 à Londres), soit une transmission directe des émotions. Ce fantasme a notamment une grande influence sur Kupka ou Kandinsky, fasciné par les recherches de Louis Darget, “photographiant”, selon lui, la pensée à l’aide de plaques photosensibles appliquées sur le front des patients. Ainsi, Bild lit rotem Fleck (1914), toile composée de formes abstraites et de taches de couleur, rappelle étrangement les gravures illustrant l’ouvrage Formes-Pensées (1905) d’Annie Besant et Charles W. Leadbeater qui associent des spectres colorés à des émotions. Selon Pascal Rousseau, l’art abstrait n’est plus seulement en rupture avec le monde extérieur, mais permet également de construire une « vitrine du monde intérieur ». Avec son travail, Kandinsky dresse un « autoportrait de ses états émotionnels ».
Une aventure collective
De salle en salle, nous découvrons une installation de Tony Oursler (passionné par Louis Darget), des sortes d’ectoplasmes signés Sigmar Polke, une Madonna auréolée d’un mystérieux faisceau d’Edvard Munch, une série de Miró – ensemble de “captations” de ses rêves –, des dessins réalisés sous hypnose par Robert Desnos ou divers travaux des Surréalistes. En 1924, André Breton écrit son Manifeste, la même année où le neurologue Hans Berger réalise ses premiers enregistrements de l’activité du cerveau à l’aide de l’encéphalogramme. Pour Pascal Rousseau, l’exercice collectif du Cadavre exquis (l’un poursuit la phrase ou le dessin de l’autre sans voir ce qu’il vient de réaliser) dont sont friands les Surréalistes est emblématique des préoccupations du groupe, réalisant, à plusieurs mains et cervelles, des œuvres s’effectuant « dans une communion télépathique des esprits ».
Vers la fin du parcours, on découvre des articles de presse relatant une performance de Gianni Motti. Dans une démarche artistico-politique, en 1997, cet artiste conceptuel siège devant le Parlement colombien, à Bogotá, pour demander, par télépathie, la démission du Président. À défaut de parvenir au départ d’Ernesto Samper, les efforts cérébraux de Motti feront, paradoxalement, beaucoup de bruit et créeront un petit scandale l’obligeant à quitter le pays. Notons que l’artiste a invité d’autres plasticiens ou citoyens à participer à sa séance de télépathie : l’union (des cerveaux) fait la force ! Les scénaristes de la série Sense8 – où des individus des quatre coins du monde sont reliés mentalement – ne diraient pas le contraire… Il est également question de communion des esprits avec Mind Expander (1967), sorte de cabine à la Star Trek définie par le commissaire dans le catalogue comme un espace « d’immersion audiovisuelle où se coordonnent perception modifiée et conscience élargie ». Cette œuvre signée Haus Rucker-Co invite à un trip psychédélique à vivre en duo, à explorer ensemble d’inédites capacités sensorielles, à une expérience qui « propulse les imaginaires de la télépathie dans l’ère électronique du “village global” », anticipant notre XXIe siècle hyper-connecté.
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